Birkenstock : passer de produit moche à marque iconique ⭐️
Comment les marques puissantes créent les tendances plutôt que les suivre
🎧 Freedom - Folamour. Une chanson pour se remettre dans le flow du boulot
Hello toi,
J’espère que tu vas bien et que ta rentrée est énergisante !
De mon côté, je reviens d’un coliving à la Maison des Créateurs, un lieu atypique créé par l’ami Killian Talin, et dédiée aux indépendants qui souhaitent rencontrer d’autres créateurs, se ressourcer, et bosser dans un cadre paisible. Mon highlight de la semaine : Killian a adopté deux moutons, baptisés Tik et Tok (ça ne s’invente pas 😂) et ils ont littéralement divisé ma productivité en deux (comme TikTok, somme toute).
Comme promis dans mon mail de la semaine dernière, cette édition de la newsletter est un peu spéciale : ou plutôt, elle annonce le devenir de The Storyline ✨ Je suis un peu stressée, j’avoue, de te présenter le nouveau format : un case study, deux fois par mois, qui décortique la stratégie d’une marque de référence, pour en extraire des bonnes pratiques actionnables et concrètes.
Première marque passée sur le grill : Birkenstock. Après tout, elle a quand même réussi à se glisser sur (presque) tous les pieds cet été, alors qu’il y a encore quelques années, les ‘Birk’ étaient perçues comme des pompes d’énorme hippie 🌼
Temps de lecture : 11 minutes
Il y a quoi dans ce case study ?
Birk, la marque qui monte depuis quelques années
Les 4 leviers clés de la stratégie Birkenstock
Faire primer la qualité sur tout le reste
Capitaliser sur l’héritage de la marque
Miser sur (la bonne) influence
Créer une nouvelle trend
Le rachat par LVMH : et après ?
Cet été, en vacances dans le Sud, je me suis retrouvée un soir à me préparer pour aller dîner dans un joli restaurant. Étant donné la réputation du lieu, j’ai adapté ma tenue en conséquence : une petite robe noire, quelques bijoux, un coup de rouge à lèvres. Bref - l’uniforme classique d’une soirée casual chic.
Puis est venu le tour des chaussures.
Ni une, ni deux, c’est à peine si j’y ai réfléchi : j’ai enfilé ma fidèle paire de Birkenstock.
L’espace d’une fraction de seconde, la question m’a traversé l’esprit : les ‘Birk’ (comme leurs possesseurs les appellent avec affection) sont-elles tolérées dans un restaurant chic ? Mais ce doute a bien vite été chassé par deux pensées :
J’étais prête à parier que 50 % des clients du restaurant seraient aussi chaussés de modèles similaires
Je trouvais mes Birk et ma tenue très stylées de toute façon 😎
Mais plus tard, en chemin vers notre dîner, contemplant mes pieds (toi aussi tu admires tes pieds quand tu marches ou je suis juste bizarre ?), je me suis souvenue qu’il y a à peine 5 ans, je trouvais quand même les Birkenstock sacrément moches. Pire : quand elles ont commencé à proliférer aux pieds de la population française, je m’étais juré que jamais je ne porterais ces trucs de hippies !
Aujourd’hui, j’en possède 3 paires (dont une de chaussons fourrés, j’ai un peu honte de l’admettre).
Qu’a-t-il bien pu se passer dans l’intervalle ?
La réponse courte : le soft power culturel de la marque Birkenstock, et une brillante stratégie marketing déroulée sur le long terme.
À l’instar de Crocs, UGG, Levi’s ou encore Carhartt, Birkenstock fait partie de cette génération de marques partant d’un produit fonctionnel - ou réservé à une clientèle de niche - qui ont su créer, diffuser et affirmer un nouveau standard de mode, devenant iconiques.
Autrement dit, plutôt que de s’adapter aux tendances et d’ajuster son produit et sa stratégie de marque à son écosystème concurrentiel, Birkenstock est allée complètement à contre-courant.
Résultat : les Birk sont désormais une référence culturelle. Je te propose donc un décryptage des leviers actionnés par la marque pour imposer des chaussures orthopédiques moches comme THE accessoire incontournable.
C’est parti 😎
1. Faire primer la qualité sur tout le reste
C’est un fait : de nos jours, beaucoup de marques exagèrent les vertus de leurs produits et ont une **légère** tendance à sur-vendre (RIP Theranos, la société qui a prétendu plusieurs années avoir découvert une technologie pour réaliser des tests sanguins avec quelques gouttes de sang recueillies sans aiguille - et dont la fondatrice a écopé de 11 ans de prison).
La stratégie de Birkenstock va à l’encontre de cette sale manie : depuis ses débuts, l’entreprise cultive une véritable obsession pour la qualité de ses produits. Elle mise ainsi sur des matériaux et un savoir-faire artisanal exceptionnels.
Comme la marque l’affirme fièrement sur son site :
Le succès de BIRKENSTOCK repose sur son engagement dans l'art de fabriquer des chaussures d'inspiration orthopédique. Au fil des siècles, l'entreprise a acquis une expérience inégalée qu'elle a transmise d'une génération à l'autre, chaque génération cultivant et développant ce savoir.
Depuis le début du XXe siècle, ces chaussures font un tabac auprès des personnes souffrant de douleurs plantaires.
Les Birkenstock sont en effet avant tout connues pour leur confort. Leur semelle respirante, composée entre autres de liège, qui s’adapte à la forme du pied, est brevetée depuis 1925 sous le nom ‘footbed’.
💡 Que retenir de ce levier ?
Le premier pilier de la stratégie Birkenstock, c’est donc de ne pas transiger sur la qualité du produit. Et de se construire un avantage concurrentiel difficilement répliquable (ici, la technologie footbed et les matériaux de qualité).
2. Capitaliser sur l’héritage de la marque
Bien que la marque Birkenstock ait connu son véritable essor au début des années 1900, les racines de son empire remontent à 1774 !
Les premières Birk ont ainsi vu le jour au 18e siècle, sous la main d’un artisan cordonnier allemand, Johannes Birkenstock. À l’époque, dans les campagnes, la société de consommation n’existait pas et quand on achetait une paire de chaussures, elle devait tenir toute la vie (inimaginable pour notre génération) - quitte à être réparée de temps en temps. C’est ainsi que la dynastie Birkenstock est née.
Il faut attendre 1896, pour que Konrad Birkenstock, l'arrière-petit-fils de Johannes, ouvre un atelier de cordonnerie à Francfort - posant ainsi la première brique de l’industrialisation de la marque. Puis, dans les années 20, Birkenstock ouvre une usine de production. La manufacture des chaussures et le rythme de production augmente, mais le storytelling reste centré sur l’héritage, le savoir-faire artisanal et l’idée de ‘Naturgewolltes Gehen’ (marcher comme la nature l'a voulu) à travers la forme des semelles.
En 1954, Karl Birkenstock (non, pas Karl Lagerfeld mais franchement, pas loin) rejoint l’entreprise familiale et décide de créer une semelle standardisée, dont la forme est basée sur la moyenne de tous les pieds qu'il a mesurés. Cette semelle standardisée porte le nom de "Footbed" (la fameuse technologie brevetée) et le nouveau produit est baptisé "Original Birkenstock-Footbed Sandal" - puis décliné sous divers coloris de lanière.
💡 Que retenir de ce levier ?
Deuxième bonne pratique que nous enseigne le cas Birkenstock : s’appuyer sur la puissance du passé. Tout comme Lillet, ou encore Apérol (oui, c’est encore l’été dans ma tête), les marques qui bénéficient d’un héritage historique ont tout intérêt à intégrer ce dernier (et les valeurs qu’elles en retirent, comme le savoir-faire ou l’ancrage territorial) dans leur discours.
3. S’insérer dans la culture et miser sur l’influence
Tu le sais certainement : une marque, ce n’est pas uniquement un plan de com’ - c’est aussi ce qu’on dit d’elle sur les réseaux ou de manière informelle, et la manière dont les consommateurs s’en emparent.
Et parfois, entre la stratégie et la réalité de sa marque, il y a un grand écart qui s’opère. Comme par exemple la marque Lacoste, visant initialement un public plutôt CSP+ et devenue incontournable dans les banlieues.
L’influence d’un certain segment de consommateurs peut contribuer à rendre une marque iconique. Pour Birkenstock, tout commence dans les années 70. Le mouvement alternatif et contestataire allemand (aka, les hippies) s’empare de la chaussure (modèle anti-chic par excellence, comme le dit ARTE dans un mini-docu - merci Clara de l’avoir spotté !). Puis, de nombreux médecins, infirmières, et professionnels de santé adoptent ensuite peu à peu la Birk (un peu comme les Crocs), la chaussure étant adaptée à des professions actives et requérant une position debout.
En 1989, nouveau coup d’accélération pour la marque : un cliché immortalisant la top Kate Moss, la clope au bec et les Birk aux pieds.
Dans les années 90, Jean-Paul Gautier et Paco Rabanne mettent des Birk aux pieds de leurs mannequins. Il suffit d’un domino pour déclencher l’effet en chaîne : c’est le début d’une longue lignée d’influenceurs et stars qui vont contribuer à la popularité de Birkenstock, qui se retrouve sur les pieds les plus stylés. Leo DiCaprio, Julia Roberts, les Kardash…
La pandémie de 2020 est un véritable amplificateur pour Birkenstock : exit les chaussures et vêtements inconfortables, et bonjour les tenues confortables. Désormais, même le combo leggings + Birk devient socialement acceptable - voire stylé (ok, je vais peut-être un peu loin).
💡 Que retenir de ce levier ?
Que plus tu réussiras à faire parler de toi (ou ta marque), plus ton produit rayonnera à travers ses ambassadeurs. Stars ou non, il est essentiel de cultiver une base de clients fidèles, qui ne se contentent pas seulement de porter les produits mais en deviennent des porte-parole.
4. Créer une nouvelle trend
En parlant d’influence, justement, Birkenstock ne s’est jamais contentée de suivre les tendances : elle en a créé une. Et ce, en transformant une ‘faiblesse’ de son produit en force.
On ne va pas se mentir : des chaussures orthopédiques, c’est moche. Et c’est pourtant l’une des forces de Birkenstock !
En affirmant l’esthétique minimaliste, presque austère, de ses produits, la marque a en effet contribué à la naissance et à l’essor du concept de "ugly-chic" (le moche-chic, littéralement).
Un style qui rompt avec les idéaux de beauté traditionnels, dans le but de provoquer et surprendre. Parmi les incontournables du mouvement ugly-chic, on peut notamment citer les Crocs, les sacs-poubelle de Balenciaga, ou encore les dents de la chanteuse Yaeger (qui a signé Devil Mode, une de mes obsessions musicales de 2024).
Le positionnement audacieux de Birkenstock a largement contribué à la connotation cool et décontractée désormais associée à ses chaussures, en contraste fort avec leur aspect fonctionnel.
On peut aussi mentionner la popularité croissante des styles normcore et anti-fashion, qui ont eux aussi joué en faveur de Birkenstock, contribuant à affirmer l’idée que le confort et l’authenticité sont des critères de style à part entière.
💡 Que retenir de ce levier ?
En créant une nouvelle tendance, Birkenstock a non seulement changé la perception de ses produits, mais la marque a aussi contribué à redéfinir les codes de la mode - se taillant au passage une part de roi dans le gâteau !
Le rachat par LVMH
Signal ultime du succès de la stratégie Birkenstock : en 2021, la marque a été rachetée par une filiale de LVMH, pour 4,3 milliards de dollars. En 2023, elle est entrée en bourse.
Que de chemin parcouru entre les rayons orthopédiques des pharmacies allemandes et les podiums de mode à la française !
Ce rachat marque bien évidemment une nouvelle étape dans l'histoire de la marque, ouvrant de nouvelles perspectives de croissance - mais aussi, d’immenses risques ! En s’appuyant sur la pieuvre LVMH, Birkenstock peut désormais accéder à un réseau global de distribution, de partenariats et à des ressources pour développer encore davantage son image de marque. Une opportunité pour consolider sa place en tant que référence culturelle mondiale.
Cependant, l’introduction en bourse implique des obligations : « Une fois que l'entreprise est cotée en bourse, elle doit atteindre des chiffres spécifiques pour chaque trimestre de l'année, de sorte que certaines formules utilisées au cours des 250 dernières années pourraient changer », selon Thomai Serdari, professeur à l'université de New York. Ainsi, Birkenstock va devoir, ces prochaines années, affronter un défi de taille : se soumettre aux impératifs de la croissance et aux volontés de son actionnariat, sans transiger sur la qualité de ses produits et sur la force de son héritage.
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Merci et on se retrouve pour la prochaine édition,
Noémie
my old 'Birk' but... never again. still find them too ugly haha. (i do appreciate the brand story tho, quite amazing) and well done with the new edition. https://objet.cc/old_kev/black-original
Trop cool cette première étude de cas ! Et pour les futurs parents en panne d’inspi, « Konrad-Birkenstock » me semble une excellente idée de prénom