🎧 Purple Disco Machine - In My Arms - Bring back the 80s 🕺
Hello à tou.te.s !
Je suis particulièrement enthousiaste de vous partager cette édition, car elle traite d’un sujet qui me passionne - la prospective, ou l’art du storytelling du futur. Alors rien que pour vous, au programme aujourd’hui :
Pourquoi l’exercice d’imagination des futurs possibles est hyper important, et pourquoi ne pas le faire peut conduire à des scénarios non désirables (coucou Mark Zuckerberg et l’Intelligence Artificielle).
La prospective à l’heure actuelle : le design fiction
Une interview dans le podcast de Noémie Aubron, Business Designer et créatrice de la sublime newsletter de prospective La Mutante
Un cadeau, comme d’habitude : le starter kit pour commencer à écrire vos scénarios du futur.
Bon voyage ! 🚀
Notre manière de raconter le futur est toujours influencée par le présent et le passé
Un beau jour de 1899, plusieurs artistes français se lancèrent un défi : imaginer et illustrer la vie en l’an 2000. Les résultats de leur travail, imprimés à l’époque sur l’intérieur de boîtes à cigares et sous forme de cartes postales, furent considérés à l’époque comme étranges, voire impossibles. Pourtant, certaines de leurs prédictions n’étaient pas si loin de notre réalité :
La cuisine du futur
Le ménage du futur
L’élevage du futur
L’école en l’an 2000
Tandis que d’autres étaient un peu à côté de la plaque :
La conquête des fonds marins
La conquête du ciel
Mais il y a une chose que toutes ces illustrations ont en commun : la place prédominante de la machine. Le contexte historique derrière ces images, c’est l’avènement de la seconde révolution industrielle, durant laquelle l’Europe connaît un développement rapide de l’automobile, de l'électrométallurgie et de la chimie. Le pétrole et l’électricité deviennent des énergies centrales, le Taylorisme et la vision productiviste du travail prennent de l’ampleur.
C’est l’histoire que racontent ces cartes postales, qui est ancrée dans l’inconscient collectif à l’époque : “en l’an 2000, la machine sera au service de la productivité, soulagera l’homme de ses tâches “ingrates” et permettra d’explorer de nouveaux horizons.” Au final, c’est dans une certaine mesure ce qui s’est passé. Cependant, les artistes, en 1900, ont largement extrapolé des objets et situations existants à l’époque (à part l’auteur des hippocampes géants, qui devait avoir un peu forcé sur l’opium). Par exemple, la bataille aérienne représente un dirigeable, qui sera pourtant détrôné par l’aviation dès les années 1950 et nous apparaît aujourd’hui comme une relique du passé !
Il est très difficile de se détacher de notre contexte immédiat, et d’imaginer un futur en rupture avec le présent - pire, c’est un exercice quasiment impossible, à cause de nombreux biais cognitif dont nous sommes tous victimes !
Biais de projection, biais de normalité, biais de cohérence, … : notre cerveau est programmé pour projeter nos croyances et schémas de pensées actuels sur le passé et le futur. Nous ne savons pas lâcher prise et nous essayons à tout prix de nous raccrocher au status quo.
Mais le problème, c’est que ne pas réfléchir au futur, c’est prendre le risque d’aller dans une mauvaise direction, ou de ne pas pouvoir anticiper à temps des changements radicaux dans notre société. Je m’explique :
John McCarthy, l’un des pères de l’Intelligence Artificielle, terme qu’il a inventé en 1955, n’avait sûrement pas imaginé que cette technologie allait rendre un paquet de compétences techniques et de métiers obsolètes, tout en faisant rentrer l’humanité dans “l’ère des soft skills”.
Mark Zuckerberg, en 2004 dans sa chambre d’étudiant à Harvard, n’avait sûrement pas imaginé qu’il se retrouverait un jour à devoir débourser des millions de dollars de compensation à ses modérateurs, qui sont de plus en plus nombreux à développer des symptômes post-traumatiques (les fameux PTSD dont sont victimes beaucoup de vétérans de guerre), à force d’être exposés au contenu nuisible qu’ils sont responsables de filtrer sur la plateforme Facebook.
Alors oui, je suis d’accord avec vous, c’est facile de pointer du doigt une fois que le mal est fait, mais ça ne fait pas particulièrement avancer le schmilblick (et oui, j’utilise des expressions des années 1950).
Heureusement, un monsieur sympathique du nom de Gaston Berger, lance dans les années 50 le concept de “prospective” - une manière “de comprendre l'avenir et non pas de l'imaginer” pour pouvoir agir à long terme et “préparer le futur de l’être humain”.
(On notera que les français pèsent dans le game intellectuel 🇫🇷 Cocorico)
Depuis, la discipline a été reprise à plusieurs sauces, notamment ce que l’on appelle le design fiction.
Le design fiction, ou storytelling du futur
L’an dernier, j’ai eu l’occasion d’interviewer Nicolas Nova, une des figures de proue du design fiction, dans le cadre d’un projet pour l’agence Louis Zéro. Il a décrit au cours de cet entretien le design fiction de la manière suivante :
Je le définis comme une approche utilisant les moyens et les manières de faire du design, pour rendre tangibles et compréhensibles des changements en cours et à venir. Ces changements sont en partie technologiques mais ils peuvent également être sociaux, démographiques, écologiques etc.
L’objectif du design fiction est de créer des espaces de dialogue et de débat autour de futurs encore jamais envisagés, et, bien que son origine soit ancrée dans la pratique artistique, cette méthode représente une manne d’opportunités pour les entreprises souhaitant pratiquer la prospective sur des idées radicalement innovantes.
Les futurs imaginaires peuvent être dystopiques et utopiques. Aujourd'hui, dans la culture populaire, on voit beaucoup plus de dystopies : Black Mirror, The Handmaid's Tale, Her, Ready Player One, … qui traduisent toutes le climat de défiance et d’incertitude envers la technologie dans lequel nous vivons aujourd’hui. On est loin de 1899 et de l’optimisme vis-à-vis du progrès scientifique et des machines !
La prospective, une arme pour l’entreprise
Mais revenons à nos moutons : en quoi cela vous concerne-t-il ? Si vous êtes une entreprise, la pratique de la prospective peut vous aider de plusieurs manières :
Anticiper les scénarios possibles pour la suite et adapter votre roadmap en fonction
Aligner votre équipe sur vos décisions stratégiques
Réfléchir à votre responsabilité et votre impact sur vos clients et plus généralement, sur la société
Construire de meilleurs produits
Anticiper les besoins de vos personas
Raconter des histoires fortes pour captiver votre audience
… et j’en oublie sûrement ! Mais vous l’aurez compris, cet exercice est riche d’opportunités et encore beaucoup trop sous-estimé.
Alors concrètement, comment vous y mettre ? Le starter kit est juste après l’interview de Noémie, ci-dessous :
Episode #8 - Penser et écrire le futur avec Noémie Aubron, Fondatrice de la Mutante
Je suis le travail de Noémie depuis maintenant plus d'un an, quand elle a commencé à publier ses récits du futur dans sa newsletter La Mutante, et son parcours m'a toujours impressionnée :
Après avoir travaillé pendant 10 ans en innovation dans de grandes entreprises, elle s'est lancée dans la vie d'indépendante.
Elle a cherché à développer dans son quotidien de freelance un projet qui lui plaisait et qu'elle avait à coeur de puis longtemps, sans jamais avoir pu le mener à bien : l'écriture.
Passionnée de prospective, elle avait envie de démocratiser cette discipline et de la rendre plus ludique
C'est ainsi qu'est née La Mutante, un travail bluffant d'éclairage des tendances qui laissent apercevoir la société de demain
Je vous laisse découvrir les coulisses de La Mutante dans le podcast :
Penser et écrire le futur : le starter kit du turfu
Quelques méthodes et outils pour vous improviser prospectiviste :
1. S’inspirer du passé pour imaginer le futur
Parfois, un petit saut dans le passé suffit pour trouver des patterns récurrents ou tout simplement pour prendre du recul par rapport à notre époque.
Pour vous inspirer, la série de courtes vidéos Paleofutur de la chaîne Arte revisite le passé à la lumière du présent pour mieux comprendre l'évolution de nos vies numériques. (Arte = 💜)
2. Explorer les ramifications possibles
Rien de tel qu’une mindmap pour laisser libre cours à ses idées ! Partez d’un signal faible et créez des arborescences d’idées qui illustrent les évolutions possibles de cette tendance dans le futur, sous différents angles : légal, social, politique, …
🧰 L’outil malin : Mindmeister
3. Combinaison de signaux
Listez plusieurs signaux faibles et essayez d’imaginer un scénario futur qui soit cohérent et prenne en compte tous ces signaux. Par exemple :
4. Le journal du futur
Imaginez la couverture d’un magazine ou d’un journal dans 5, 10, 20 ans… en rédigeant des titres comme si vous y étiez !
Le génialissime magazine Usbek et Rica se prête fréquemment au jeu, come par exemple ici dans ses prédictions pour 2017.
5. BONUS : Le tribunal du futur
Usbek & Rica a créé plusieurs éditions de son "Tribunal pour les Générations Futures", une conférence-spectacle sous forme de procès, pour débattre de grandes problématiques d'avenir et questionner l'intérêt des générations futures. Ci-dessous, le procès de Google en 2018 :
C’est tout pour cette semaine ! À mardi prochain pour un nouvel épisode du podcast.
Noémie
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Note : les illustrations de l’Institute for the Future proviennent d’un webinaire co-organisé par Antonio Fernandez Olombrada, Gonzalo Ortega Sanchez de Lerin et Ana Sarasola Prieto dans le cadre de l’association NOVA. Un grand merci à eux 🙏