Manipulation, mensonges : décryptage de marques machiavéliques 😈
Quand les marques utilisent des leviers pas très réglos pour nous convaincre...
🎧 Pompeii - Bastille - mon obsession du moment 😍
Bonjour tout le monde,
J’espère que cette édition de la newsletter vous trouvera prêt.e.s à partir en vacances et profiter d’une petite pause de fin d’année. De mon côté, ce sera dans mon Alsace natale - au programme : vin chaud et bretzels à gogo. 🥨🎄
Qui dit fin d’année, dit habituellement bilan. Je vous avoue qu’entre le (super) accueil que vous avez fait au livre, les conférences données sur les communautés et quelques petits imprévus de santé… Je n’ai absolument pas pris le temps de le faire.
Du coup, plutôt que de ressasser le passé, autant regarder vers l’avenir avec vous : j’ai besoin de votre avis : quelles devraient être les thématiques abordées dans le podcast et la newsletter ? Nouveaux récits, influence, personal branding, nouveaux archétypes de marque…
J’ai posé la question à LinkedIn sous forme d’un questionnaire : n’hésitez pas à y ajouter votre pierre à l’édifice, ça me sera d’une utilité immense !
🔥 Votez par ici (ou donnez moi des idées en commentaires) 🙏
Pour ce qui est de la thématique de l’édition de cette semaine, j’ai eu envie de conclure l’année sur un sujet qui m’est cher : les leviers qui nous incitent à l’action et à l’achat. Mais pas n’importe lesquels ! Ceux qu’utilisent les entreprises “machiavéliques”, celles qui utilisent manipulation et mensonge pour faire passer leur propos, affirmer leur marque et susciter des comportements de consommation démesurés…
Je vous propose donc, avant la bûche de Noël, de faire une plongée dans cet univers diabolique, pour affuter votre sens critique et vous aider à faire des choix lorsque vous irez acheter vos cadeaux !
Joyeuses fêtes et à l’année prochaine,
Noémie
Brain food 🧠
Des signaux faibles (ou forts) révélant les liens complexes entre marques, individus et nouvelles technologies - et l’impact sur nos jobs et nos modes de vie.
🎥 Fool me once… YouTube sort un ensemble de nouvelles règles d’utilisation de sa plateforme, dont une qui contraindrait les créateurs à révéler s’ils utilisent l’IA générative dans leurs vidéos.
🎵 Ça s’en va et ça revient. Sam Altman se qualifie pour le championnat du monde de chaises musicales après un départ (poussé vers la sortie par le board) puis un retour au sein de sa société, OpenAI, en moins de deux semaines.
🔥 La science des histoires. Un article intéressant du magazine Inc qui analyse les rouages du storytelling… Et ses effets sur notre cerveau !
💬 WhatsApp, nouveau canal star des marques ? C’est la question que s’est posée la newsletter Médiarama, qui passe quelques stratégies éditoriales innovantes à la loupe !
😰 Ça chauffe pour Amazon. Et cette fois-ci, le distributeur se prend un sacré procès : un recours collectif de premier ordre aux US, l’accusant de biais systématique dans la paie des employées de sexe féminin.
🥷 Des actes plutôt que des paroles. Dans cet article, Fast Company prend parti, affirmant que ce sont les actions des entreprises qui contribuent à alimenter leur image de marque, bien plus que les discours polissés… Inspirant !
🤬 Allez tous vous faire foutre. C’est pas moi qui le dit bien sûr, mais notre cher Elon Musk, en parlant des marques qui quittent la plateforme X comme des mouches. Bon débarras ?
🕵️♀️ Les dessous de l’enquête Dupont de Ligonnès. L’INA revient sur le travail draconien (4 ans) des 4 journalistes de Society ayant signé le double exemplaire devenu culte du magazine, dédié à l’affaire qui a secoué la France. Passionant !
Pause café ☕
Des informations random pour se marrer, se détendre ou s’inspirer
🥲🎄 La vidéo de Noël d’Apple qui va vous arracher une petite larme. Une vidéo ancrée dans un storytelling très émotionnel, dans le style conte de Noël… Je ne vous en dis pas plus mais j’avoue : j’ai versé une larme.
🥜 Coucou les almond moms. Les Real Housewives ont encore frappé - désormais, on les appelle almond moms, à cause de leur tendance à ne se nourrir que d’amandes…
🏴☠️ Spotify 0 - 1 Hackers. Une bande de petits plaisantins a réussi à hacker le Spotify Wrapped de nombreux utilisateurs de l’app de streaming.
☔️ Marre de finir trempés ? Vous n’en pouvez plus des applications météo qui racontent n’importe quoi ? Good news ! Une IA développée par DeepMind de Google semble offrir des résultats hors du commun et très prometteurs… Enfin une météo correcte ?
🐳 Pendant ce temps-là, dans les océans… Les orques sont plus vénères que jamais, et apparemment, les navigateurs sont un peu tendus, confrontés à des attaques toujours plus fréquentes par des bandes organisées des mammifères marins.
🤭 Le Hall of Shame de Forbes. Parfois, des founders reluisant s’avèrent être de purs escrocs. Comment faire quand on est un média et qu’on a encensé ces derniers ? Forbes a décidé de publier son ‘Hall of Shame’ : la liste de trente “30 under 30” que le magazine regrette d’avoir nominés. Brutal.
🌴 Good job, Indonesia. Pour finir, une bonne nouvelle pour la planète : le gouvernement indonésien s’est engagé à transformer 200,000 hectares de plantations d’huile de palme en forêts.
Manipulation, mensonges : décryptage de marques pas très réglo
Un packaging coloré et vif, un nom court efficace, une typo moderne : Release avait de nombreux arguments pour plaire aux acheteurs croisant son chemin sur Amazon.
La boisson énergétique avait même réussi à se hisser un temps parmi les best sellers de sa catégorie sur la plateforme d’achat en ligne. Un bel avenir s’annonçait pour la marque…
Source : WIRED
Jusqu’au jour où il a été révélé, dans la stupeur générale, que les bouteilles de Release n’étaient pas remplies de boisson énergétique, mais… de l’urine de livreurs britanniques travaillant pour Amazon. 😱
Bien sûr, depuis, plus de trace de la fameuse marque sur la plateforme, mais un documentaire, The Great Amazon Heist, est sorti et relate toute l’histoire.
Derrière ce canular pour le moins osé se cache, si l’on en croit le média WIRED, Oobah Butler - un journaliste britannique qui s’était déjà fait remarquer il y a quelques années en créant un faux restaurant qui était devenu l’établissement le mieux noté de Londres sur Tripadvisor ! (si vous n’avez jamais entendu parler de cette histoire, filez vite la découvrir, c’est passionnant - et hilarant)
Source : DailyMail
À travers cette action, Butler a cherché à passer plusieurs messages :
Dénoncer les conditions de travail des livreurs, dont les performances sont mesurées à la seconde près et qui n’ont plus le temps de faire des pauses pour aller au toilettes - et sont donc contraints d’uriner dans des bouteilles, dans leurs véhicules ;
Souligner le manque de sécurité (ou de rigueur dans la validation) du processus de mise en ligne d’une nouvelle boutique et de distribution de produits via Amazon.
Ce cas d’usage a fait écho à deux choses, dont j’aimerais vous parler dans cette édition :
La première, c’est le manque de transparence et compréhension autour de certains produits que nous consommons aujourd’hui ;
La seconde, c’est le pouvoir et la puissance des marques, qui parfois, nous amènent à consommer tout et n’importe quoi.
Vendre n’importe quoi à n’importe qui
Si le terme de dropshipping a notamment été popularisé et découvert par le grand public en 2022, quand le rappeur Booba a décidé de s’attaquer publiquement aux pratiques de celles et ceux qu’il appelle les « influvoleurs » - des influenceurs qui tombent dans des pratiques promotionnelles et commerciales borderline (voire carrément illégales), la pratique n’est pas nouvelle.
Si ça ne vous dit rien, en quelques mots, le dropshipping est un modèle commercial dans lequel un vendeur (le dropshipper) vend des produits à des clients sans avoir à en gérer la logistique (production, stockage, expédition). Le dropshipper achète les produits auprès d'un fournisseur tiers ou d'un grossiste (en général, une usine chinoise ou une plateforme de distribution de masse comme AliExpress), qui se charge elle-même de l'expédition directe au client final. Le dropshipper est donc un ‘simple’ intermédiaire n'a pas besoin de gérer un inventaire ou l'expédition des produits. Sa ‘valeur’ se limite à mettre en place une stratégie marketing et trouver des clients.
Cette pratique n’a rien d’illégal. Mais on ne va pas se mentir, elle ouvre bien souvent la porte à des comportements abusifs et des débordements. En premier lieu, la propension des dropshippers à se faire une jolie marge sur les produits qu’ils revendent.
Il y a quelques années, j’ai discuté de ce sujet avec une amie qui travaillait à l’époque pour la DGCCRF (la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Elle m’avait alors expliqué que le Covid avait fait exploser la pratique du dropshipping en France, amenant bien sûr un lot de problèmes et de victimes. Car au-delà des grasses marges pour les dropshippers, il y a pire :
de la pure fraude : la commande passée n’arrive jamais et le service client n’existe pas - le remboursement est en général impossible…
des produits non conformes à la législation et aux critères de sécurité de l’UE : objets dangereux pour les enfants, ingrédients toxiques…
Comme me l’avait précisé cette amie, parfois, les dropshippers opéraient sans conscience d’être dans l’illégalité. Mais une grande partie d’entre eux choisissaient de fermer les yeux sur la nature ou les défauts des produits qu’ils refourguaient à l’échelle en France. Et ce, à grands coups de publicités sponsorisées sur Insta, sous couvert de jeunes marques avec une approche marketing en béton armé et un branding léché.
Difficile pour nous autres consommateurs de naviguer dans ce paysage de plus en plus complexe du e-commerce : les marques qui se disent ‘locales’ le sont-elles réellement ? Qu’y a-t-il vraiment dans les cosmétiques, vêtements & accessoires que nous achetons sur les internets (voire en magasin) ?
Les lignes sont de plus en plus floues, d’autant plus que certaines marques n’hésitent plus à carrément mentir, comme le producteur français Lou, accusé en 2023 d’avoir commercialisé plus de 12 millions de tonnes de champignons sous le label « made in France » alors que ces derniers venaient… de Pologne.
Et quand elles ne mentent pas, certaines marques s’arrangent simplement pour contourner les problèmes et éviter de devoir être trop transparentes sur leurs pratiques et le contenu de leurs produits, à coups de lobbying, de procès et de marketing d’influence.
Par exemple, les fabricants de soda qui mettent de l’aspartame dans leurs boissons. Récemment, l’OMS a déclaré que « l'aspartame était un cancérogène possible dont l'utilisation était sans danger en quantités limitées » - sans préciser pour autant quelles étaient ces fameuses quantités, « faute d’enquêtes et d’études scientifiques suffisantes ». Pas de problème pour Pepsi & consorts qui n’ont vu aucun impact sur leurs ventes.
Pire : certaines marques vont jusqu’à créer de faux labels de type ‘produit responsable et vert’, ‘100 % naturel’, ‘bon pour la planète’, etc etc. Pour induire leurs consommateurs en erreur (une stratégie tout droit sortie du playbook du greenwashing). J’en ai discuté dans le podcast avec Laure Verdeau, Directrice de l’Agence bio, qui m’a expliqué à quel point il était difficile de distinguer le vrai du faux sur le marché des labels privés.
Aujourd’hui, difficile de connaître la réelle origine et nature des produits que nous manipulons, ingérons, buvons, portons au quotidien.
Mais au-delà du manque de transparence (voire du mensonge) pratiqué par certaines marques, s’érige un deuxième défi pour les consommateurs : la puissance culturelle et sociologique des marques, qui annihile parfois toute trace de bon sens…
Jusqu’où va la puissance des marques mensongères ?
Acheter de l’urine : je vous l’accorde, personne ne le ferait de son plein gré (quoique, je ne juge pas les kinks mais bon 😅). Enfin bref, retournons à nos moutons : la majorité des gens n’achèteraient pas du pipi en bouteille.
Mais saviez-vous qu’il y avait un marché pour l’air en bouteille ?
En Asie, on s’arrache l’air des Rocky Mountains canadiennes et celui des Alpes suisses.
Sur le site de Swiss Air Deluxe, les deux premières choses que l’on voit sont une photo d’un pic enneigé (et sacrément retouché), à côté de celle d’un vieux médecin qui a l’air sympa (et très pro). “Les pics montagneux les plus hauts ! Le pouvoir de guérison de l’air suisse !”, peut-on lire à côté de ces photos :
Pas de doute, un marketeux est passé par là. Les produits eux aussi sont ultra brandés : le packaging est soigné, les arguments commerciaux percutants. À défaut d’une réelle preuve scientifique sur les vertus du produit, on a mis la photo (sûrement sortie tout droit d’un stock) d’un pseudo-soignant, afin de convaincre. Le mot ‘SANTÉ’ (GESUNDHEIT) est écrit en gros, et bleu.
Et pour la modique somme de 30 francs suisses, (soit 31 euros), les clients convaincus peuvent s’offrir quelques inhalations.
Swiss Air Deluxe est une véritable apologie de la puissance sans limites de la marque. Bon ok, peut-être pas sans limites, mais en tout cas, une puissance sacrément profonde.
J’ai abordé ce sujet en détail dans mon livre, Le pouvoir des communautés. Il est incroyable de voir à quel point, quand une marque est forte (et qu’elle entre en écho avec nos goûts, nos désirs et nos valeurs), nous perdons toute rationalité dans nos prises de décision.
C’est le deuxième levier du marketing de la manipulation : essayer, par tous les moyens, d’entraîner le consommateur sur le terrain des émotions et de quitter celui du rationnel. Plus l’émotion est forte, plus il est simple de convaincre, d’embarquer.
Bien sûr, toutes les marques qui jouent sur le levier de l’émotion ne sont évidemment pas manipulatrices, mensongères, ou dotées de mauvaises intentions. Mais la pratique du marketing des émotions ouvre la porte à des glissements vers la manipulation et l’influence - et les marketeux se doivent de questionner leurs pratiques, notamment lorsqu’ils s’adressent à des cibles vulnérables.
Les personnes prêtes à acheter de l’air pour 30 euros sont-elles dans une situation de santé difficile qui les pousse à tester tout ce qu’elles peuvent ? Sont-elles en pleine possession de leur libre arbitre ? La valeur délivrée par le produit (qu’elle soit effective ou morale) vaut-elle le budget déboursé ?
Ces questions, nous nous les posons rarement, tout convaincus que nous sommes de la valeur de nos services et de nos projets. Pourtant, parfois, la réalité de nos prospects est toute autre…
J’ai récemment rencontré une commerciale ayant travaillé un temps dans une banlieue de Marseille pour le compte d’une société de livraison à domicile de produits frais. Les produits qu’elle vendait coûtaient trois fois plus cher que ceux (identiques) du LIDL ou du Carrefour du coin. Pourtant, ses clients continuaient de payer, de dépenser beaucoup plus que ce qu’elles ne pouvaient se permettre pour recevoir des petits pois chez elles, parce que se faire livrer ses courses à domicile, dans cette banlieue, c’était un signal fort de statut social, c’était la norme. C’était “bien vu”.
Cette situation reflète une dissonance entre la perception des entreprises, convaincues du bien-fondé et de la valeur de leurs services, et la réalité des consommateurs : aux prises avec l’inflation, contraints parfois de maintenir les apparences, de se conformer aux normes sociales de leur temps.
La discussion avec Laure Verdeau dans The Storyline (et celle concernant les petits pois livrés à domicile) m’a mise devant une réalité : nous créons des personas depuis le confort de nos bureaux, mais nous ne connaissons pas vraiment nos clients et nos cibles.
Alors, en cette fin d’année et la période des achats & de la vente de cadeaux de Noël, je vous incite à prendre du recul, à la fois en tant que consommateur.trice et que marketeux.se ou entrepreneur.se.
Et à vous poser la question de la valeur de ce que vous achetez… et de ce que vous vendez. La consommation est un acte de plus en plus politique et engagé - à quoi souhaitez-vous que la vôtre ressemble dans les années à venir ?
Je vous souhaite de belles fêtes 🎅 💙
Noémie
🍏 #82 - Porter la voix du bio et communiquer à l’échelle d’un pays
Dans le dernier épisode de The Storyline, je suis partie à la rencontre de Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio, l’agence française qui communique et agit à l’échelle nationale pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique. Elle m’a parlé de l’explosion des labels privés, du chaos informationnel créé par les acteurs de l’agroalimentaire et de la mécompréhension autour du bio, mais aussi de sa stratégie pour communiquer à l’échelle internationale sur le sujet, avec un budget très limité…
Alors, ça vous a plu ?
🌟 Génial • 👍 Bien • 😕 Bof • 🙈 Nuuuul
Si vous avez aimé cette édition et que vous kiffez The Storyline, ce serait un énorme coup de pouce de la partager ou même - soyons fous - d’aller donner 5 étoiles et un commentaire au podcast sur Apple 👉 par ici 👈.
D’ici-là, je vous donne rdv dans un mois pour la prochaine édition
Encore un post très intéressant ! Et je confirme qu’il doit exister un cercle intermédiaire des enfers dédié aux dropshippers
consommer est en effet voter avec notre argent. de quoi meriter de se poser un peu, prendre le temps de la reflexion, et decider en consequence.
super post ✌️