WeDressFair : s’engager et nourrir l’esprit critique de son audience
Comment une ancienne ingénieure fait bouger les lignes de la mode éthique
Bienvenue aux lecteurices qui nous ont rejoint depuis la dernière édition ! ! Dans chaque newsletter, je décortique les secrets de la stratégie d’une marque de référence, pour t’aider à créer une marque culte ✨
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Hello !
J’espère que tu vas bien ! C’est la grande rentrée de The Storyline et je suis TROP heureuse de te retrouver (en grande forme, j’espère).
Cette édition de la newsletter a été écrite dans une bulle hors du temps (et de l’espace), à l’occasion d’une semaine passée au château du Feÿ : un lieu accueillant en ce moment une résidence d’artistes, entrepreneurs et scientifiques qui s’intéressent notamment au sujet des communautés. J’y ai rencontré des chercheurs ultra inspirants qui m’ont donné plein d’idées pour des newsletters à venir. Et fun fact, l’équipe du chateau a récemment racheté l’inventaire entier d’un magasin de déguisements, farces & attrapes qui mettait la clé sous la porte 😅 Alors forcément, ils ont organisé une soirée déguisée - avec costume au choix parmi une grange remplie à craquer (le rêve). J’ai opté pour un magnifique costume de poulet. Conclusion : la vie en jaune c’est le top.
👩🚀 Back to reality. Je te propose d’explorer dans l’édition d’aujourd’hui le playbook responsable d’une marque qui veut secouer l’industrie du textile et de la mode. J’espère qu’elle te plaira, j’ai adoré l’écrire !
Bonne lecture,
Noémie
Temps de lecture :
Il y a quoi dans ce case study ?
L’histoire de WeDressFair : partir d’une cause forte pour définir sa mission
L’art subtil de construire une marque dans la “mode responsable”
Fédérer pour mieux régner : la communauté au coeur de la stratégie
#1 - La communauté des co-acheteurs pour aligner la marque avec ses clients
#2 - La communauté des investisseurs pour amplifier le développement
#3 - Le collectif des marques responsables pour transformer l’industrie
WeDressFair : s’engager et nourrir l’esprit critique de son audience
La première chose qui marque, quand on parle à Marie Nguyen, c’est la douceur de sa voix et son regard qui pétille. Même à distance, en visio, sa bonne humeur est contagieuse.
Quand je l’ai contactée sur LinkedIn, quelques semaines plus tôt, pour solliciter une interview pour The Storyline, elle m’a répondu « Ton livre sur les communautés est sur ma table de chevet ! » (hop, petit placement produit des familles). Autant te dire que j’étais ultra fière 😎
Quelques semaines plus tard, donc, nous nous retrouvons en visio pour parler de WeDressFair, la « boutique engagée de marques de mode éthique ». Je l’ai découverte il y a à peine quelques mois, mais la marque a déjà 7 ans ! Et, bien plus qu’une boutique, WeDressFair est à mon sens une marque qui dépote - et qui ouvre la voie d’un marketing responsable et ancré dans le collectif.
L’histoire de WeDressFair : partir d’une cause forte pour définir sa mission
À la base, Marie est ingénieure dans la recherche en cancérologie. Rien à voir avec la choucroute, donc. Et pourtant… En parallèle de ses recherches, cette Bordelaise donne de son temps et s’engage pour des associations lyonnaises (sa ville de coeur, où elle vit).
Ses actions de bénévolat l’amènent notamment à faire de nombreuses maraudes et à échanger avec les personnes en situation de précarité qui vivent dans la rue. Chez les femmes, en particulier, un besoin revient souvent : celui d’avoir accès à des sous-vêtements. En effet, ces derniers, pour des raisons d’hygiène et de dignité, comme me le glisse délicatement Marie, sont moins récoltés que les autres types de vêtements. Son expérience la sensibilise aussi au problème du gaspillage dans l’univers du textile : les chutes de tissu sont souvent détruites et une quantité astronomique de vêtements est envoyée à l’autre bout du monde plutôt que d’être recyclés.
Ni une, ni deux, Marie voit un problème à résoudre : elle fait chauffer sa machine à coudre et, à partir de T-shirts en jersey, produit des culottes qu’elle part ensuite distribuer à des personnes dans la rue, en parallèle donc, de ses activités de recherche en cancérologie.
Déjà, à ce stade de l’interview, je suis bluffée par sa débrouillardise et son engagement !
Mais le problème, c’est qu’on peut difficilement changer le monde, une culotte après l’autre (quoique, mais c’est un autre sujet, je m’arrête là). Alors, Marie rejoint l’initiative Ticket for Change, le programme d’accélération des entrepreneurs à impact en devenir. Elle y croise le chemin Antoine, lui aussi en quête de sens, qui a déjà lancé les fondations de WeDressFair.
La rencontre fait des sacrés chocapics : Marie et Antoine s’associent, et… tombent amoureux. Sept ans plus tard, le couple d’entrepreneurs est toujours aussi motivé pour faire bouger les lignes du secteur de la mode.
Et pour cela, il n’y a pas de secret : la transformation doit être systémique. Autrement dit, elle doit être impulsée par l’ensemble des acteurs et parties prenantes du système.
« Quand j’ai rencontré Antoine, j’ai réalisé que mes actions de bénévolat étaient bien sûr utiles, mais revenaient plutôt à coller des rustines sur une baignoire qui fuit - le changement et la transformation de l’industrie textile ne peut être que systémique. »
Marie Nguyen, cofondatrice, WeDressFair
Directement inspirée de l’expérience des deux associés, la mission est claire : faire évoluer les mentalités et le cadre légal autour de l’industrie textile et de la mode, pour la rendre plus éthique et limiter au maximum son impact sur le vivant.
Pour cela, Marie est persuadée que l’approche la plus efficace est celle du plaidoyer (autrement dit, le discours en faveur d'une cause). Toute la stratégie marketing de WeDressFair est donc agencée autour de ce levier, et profondément ancrée dans la pédagogie et l’éducation des consommateurs.
L’art subtil de construire une marque dans la “mode responsable”
Dès ses débuts, WeDressFair s’inscrit dans la lignée de l’activisme de marque, marchant dans les pas des entreprises engagées comme Patagonia. La sensibilisation de son audience aux problématiques liées au gaspillage dans l’industrie de la mode fait partie intégrante des piliers éditoriaux de la marque.
Le principe fondamental adopté par Marie et autour duquel elle a construit sa stratégie de communication tient en quatre mots : WeDressFair makes you smarter.
Sur le site, on retrouve de nombreux contenus répondant directement à la mission de la marque et à son approche très militante et pédagogue :
Les éditos de Marie, qui décortiquent notre rapport au textile ;
Les enquêtes, qui passent au crible des sujets généralement flous, comme par exemple celui des labels ;
Les fiches pratiques, qui permettent à leurs lecteurs de consommer de manière plus éco responsable ;
Le dossier ‘le problème de la mode’, qui explique à travers des articles le sujet complexe de l’industrie de la mode et ses parties prenantes (greenwashing, lessive, pollution, etc).
Sur Instagram, le plaidoyer est aussi à l’honneur :
Cependant, à en croire Marie, cette stratégie très plébiscitée aux débuts de la marque est désormais à double tranchant : en effet, le discours autour de la responsabilité des marques et de la clean fashion est devenu un territoire investi par de nombreux acteurs - jusqu’à parfois prendre le tournant du greenwashing.
Désormais, WeDressFair doit faire attention aux messages partagés à son audience, aux mots et aux expressions employés… Car la lassitude des consommateurs est belle et bien réelle.
« Le militantisme est moins bien vu qu’avant, j’observe qu’il peut même entacher le développement d’une marque - on commence à marcher sur des oeufs car certains termes sont devenus échaudés. Il faut trouver un équilibre dans la communication entre donner confiance, et avoir l’air de se justifier en en disant trop. »
Marie Nguyen, cofondatrice, WeDressFair
Par exemple, les discours autour du prétendu ‘Green Friday’ sont contre-productifs. Marie contient difficilement son agacement : « c’est du grand n’importe quoi - appelons un chat un chat, cette opération du prétendu Green Friday avec des collections remisées reste un prolongement du Black Friday et une incitation à la consommation ! Ce n’est ni plus ni moins que du greenwashing qui brouille la perception des consommateurs. »
Difficile, donc, dans le secteur, de séparer le bon grain de l’ivraie…
Heureusement pour la marque, elle a la chance de s’appuyer sur 7 ans d’existence et une forte relation de confiance construite avec ses clients. Selon des enquêtes menées par WeDressFair, 96 % des gens qui passent par le site de la marque ont confiance dans ses messages. En comparaison, la moyenne du niveau de confiance pour l’ensemble des marques de l’industrie plafonne à 42 %…
Outre l’approche résolument transparente et pédagogue de WeDressFair, l’engagement militant de l’entreprise se traduit par une approche profondément communautaire de son développement - et de son marketing.
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Fédérer pour mieux régner : la communauté au coeur de la stratégie
La communauté transpire par toutes les pores de la marque. En effet, la marque s’est appuyée tout au long de son développement sur le marketing communautaire, en réponse à divers objectifs :
#1 - La communauté des co-acheteurs pour aligner la marque avec ses clients
Dès ses débuts, WeDressFair a intégré la communauté au coeur de son fonctionnement. Concrètement, cette approche s’est manifestée à travers les co-acheteurs. Plutôt que de rester dans sa tour d’ivoire stratégique, la marque décide de la jouer collectif :
« Très rapidement, on s’est demandé pourquoi on serait seuls à sélectionner les vêtements sur notre site et faire des achats pour des milliers de clients, alors qu’on peut leur demander leur avis ? En 2 mois, nous avons recruté plus de 4 000 co-acheteurs qui, toutes les semaines, votaient sur les lookbooks des marques et nous donnaient leur avis. »
Une stratégie maline, qui permet à la marque de récolter énormément de données sur les goûts de sa clientèle - et de s’assurer de la pertinence de son offre !
#2 - La communauté des investisseurs pour amplifier le développement
En juin 2024, l'enseigne de référence de la mode responsable monte d’un cran dans sa stratégie communautaire, en ouvrant son capital en crowdfunding à sa communauté, via la plateforme Tudigo.
Résultat de l’opération : 434 investisseurs recrutés, et 556 850€ collectés. De quoi outiller WeDressFair pour porter plus loin sa mission, grâce au soutien d’une communauté investie et motivée !
#3 - Le collectif des marques responsables pour transformer l’industrie
Dernier volet de l’approche communautaire de WeDressFair : la matérialisation du proverbe ‘seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin’.
Concrètement, la marque a rejoint d’autres entreprises et entrepreneurs (dont la célèbre Julia Faure, cofondatrice de la marque responsable Loom) au sein d’un collectif, ou contre-lobby, baptisé ‘En mode Climat’. Marie est d’ailleurs aujourd’hui élue au Conseil d’Administration de ce dernier.
Dans ce collectif, plus de 500 entreprises engagées pour faire changer la mode, et quelques jolies victoires déjà affichées, notamment une contribution à la proposition de loi encadrant les pratiques de fast-fashion, votée à l’unanimité en mars 2024.
Cette approche n’est pas sans rappeler celle de Cyril Névès, fondateur de la marque Les Petits Bidons, qui était passé dans le podcast The Storyline il y a quelques temps et m’avait confié avoir dépensé un gros budget en lobbying, afin de contraindre légalement l’industrie des produits détergents à faire preuve de plus de transparence, à travers une évolution des obligations légales pour tous les acteurs du marché.
Le mot de la fin
J’espère que cette édition t’aura donné envie d’aller faire un tour du côté des éditos de Marie, ou t’aura fait découvrir la puissance de la pédagogie, lorsqu’elle est mise au service d’une communauté !
L’exemple de WeDressFair augure l’émergence d’une nouvelle génération de marques, qui, à mon sens, promettent de transformer profondément notre culture et nos modes de consommation. Des entreprises résolument engagées, voire militantes, qui défendent les intérêts de leurs clients et oeuvrent activement à transformer leur écosystème. Le tout, à travers un marketing plus raisonné, et un pied résolument ancré dans l’action collective.
La suite au prochain épisode ;) Au menu : la backstory de Patagonia, suite à mon interview de son Regional Manager Southern Europe.
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Pendant ce temps-là, sur la planète Marketing 🪐
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Noémie
boite -et histoire- canon. tellement d'ailleurs qu'il serait bon de rappeler a quel point le tout reste encore 'fragile' et donc, que notre engagement, nos achats la-bas -plutot qu'ailleurs- sont plus qu'importants ;)