🎧 Breathe - On respire un grand coup 💨 (et on retourne en 2003)
Hello tout le monde ! J’espère que vous allez bien malgré la situation anxiogène qui se déroule jour après jour 😔 prenez bien soin de vous et de vos proches…
Cette édition de The Storyline vous est envoyée depuis mon hôtel de pré-quarantaine à Bangkok, où je vais poser mes valises pour les prochains mois ! J’y rejoins un ami de longue date qui a lancé son fonds d’investissement qui soutient des projets s’attaquant au vaste sujet de la décarbonisation. Et, on ne va pas se mentir, je profite aussi de la piscine :
Dans la précédente édition de la newsletter, je m’étais un peu emballée et je vous avais promis un second sujet sur les NFT. Et puis ensuite, je me suis souvenue que ce mois-ci, c’était l’occasion d’un évènement un peu spécial : l’anniversaire du podcast, qui a maintenant 2 ans ! 🥳
Quelle meilleure occasion pour revenir sur la raison d’être de The Storyline : décrypter les signaux faibles (et forts) qui annoncent des changements dans nos modes de consommation - et la manière dont les marques peuvent s’adapter à ces changements. Alors, pour fêter deux ans dans vos oreilles (vous m’excuserez cette formulation chelou), je vous propose de découvrir avec moi 10 tendances qui promettent de sacrément secouer le paysage du marketing ces prochaines années ! 🤯
Le deuxième volet de l’analyse des NFT au service du marketing arrivera mi-mai dans vos inbox, c’est promis.
En attendant, bonne lecture !
Noémie
Brain food 🧠
Des signaux faibles (ou forts) révélant les liens complexes entre marques, individus et nouvelles technologies - et l’impact sur nos jobs et nos modes de vie.
💸 L’essor du capitalisme attentionnel. C’est le sujet d’un livre publié en Janvier 2022, qui analyse l’émergence d’une nouvelle forme de capitalisme, concentré sur le business de l’attention des internautes. Cachés en coulisses, les GAFAM en sont les grands gagnants… Et nous, les victimes consentantes.
👩💼 Gouvernement 1 - 0 Réseaux sociaux. Un projet de loi, le Social Media Nudge serait en cours d’écriture aux US, pour imposer aux plateformes sociales de rendre le fonctionnement de leurs algorithmes moins propice à la propagation des fake news. Affaire à suivre !
🤖 Les IA gagnent du terrain. Selon une étude de l’université de Californie à Berkeley, les faux visages créés par l'IA seraient considérés comme plus “dignes de confiance” que ceux des vraies personnes. Ce qui les rendrait idéales pour les arnaques en ligne 😱
👽 Bienvenue en 2035. Des experts ont été chargés d’imaginer à quoi pourrait ressembler internet d’ici 20 ans - tout en identifiant les grands risques à venir, comme la confidentialité des données, les deepfakes, le cyberterrorisme… Un programme joyeux !
🤕 Crypto-thérapie. Non, vous n’avez pas lu cryothérapie mais bien crypto-thérapie : une nouvelle niche juteuse de la psychologie, qui vise à accompagner les crypto enthousiastes toujours plus nombreux à souffrir de nouvelles formes d’addiction…
🤔 Vrai ou faux ? Des scientifiques se sont appuyés sur l’imagerie médicale pour comprendre comment nous raisonnons et nos réactions aux fake news. Leur objectif ? Répondre une bonne fois pour toute à la question millénaire : faut-il écouter son instinct ou sa raison ?
Pause café ☕
Des informations random pour se marrer, se détendre ou s’inspirer
🧠 Elon Musk veut votre cerveau. Neuralink, l’implant permettant de créer une interface entre le cerveau et la machine (rien que ça déjà, ça fait flipper), pourrait commencer à être implanté sur des humains cette année. L’objectif ? Des applications médicales comme la prévention des troubles neurologiques. Je ne sais pas vous, mais moi c’est no way José !
🧘♀️ Good vibes only. Cet article lunaire nous explique que pendant 20 ans, le CEO du National Stock Exhange d’Inde (la bourse la plus puissante du pays) a été influencé dans ses décisions stratégiques par un yogi anonyme et mystérieux. Un thriller de manipulation psychologique fascinant !
😎 L’arnaqueur à la Tesla. S’il y en a un qui risque de s’attirer un très mauvais karma, c’est bien Paul Denino, aka ‘Ice Poseidon’ (😂). Cet influenceur a arnaqué ses followers avec un projet de cryptomonnaie bancal, et s’est acheté une Tesla avec une partie des 500,000$ subtilisés. On lui décerne aussi la palme de la mauvaise foi, puisque Ice Poseidon a accusé ses fans d’être responsables :
“ Une partie de la responsabilité incombe également aux fans, pour y avoir mis trop d'émotion. Parfois, vous devez veiller sur vous-même. Oui, je pourrais rendre l'argent, mais je vais veiller sur moi-même et ne pas le faire.” Chapeau bas, Ice.
🙊 Point Godwin atteint pour BAYC. En début d’année, la twittosphère s’est enflammée autour d’un nouveau scandale : les origines du projet NFT Bored Ape Yacht Club seraient douteuses, voire teintées de néo-nazisme et de flagrant racisme. Coup de pub ou réalité ? Quoi qu’il en soit, le projet n’a pas perdu de sa superbe...
🪐 SpaceX 0 - 1 Univers. On parle beaucoup de Musk par ici, je l’admets. Mais si vous avez loupé l’info, une petite tempête solaire a éclaté 38 satellites Starlink en février, posant la question de la durabilité de la conquête spatiale par des acteurs privés…
💖 La citation du jour. En ce moment, je lis My Life On The Road, de l’icône du militantisme féministe Gloria Steinem, qui a passé sa vie à voyager. Je vous laisse sur ce passage que je trouve magnifique :
“It’s said that the biggest determinant of our lives is whether we see the world as welcoming or hostile. Each becomes a self-fulfilling prophecy.”
Gloria Steinem, My Life On The Road
L’art des prédictions est-il bidon ? 🔮
Il y a quelques jours, j’ai retrouvé en fouillant dans mes vieux magazines d’étudiante l’édition du 3 mars 2012 de The Economist. 10 ans plus tôt, l’hebdomadaire britannique - pourtant souvent acclamé pour la justesse de ses sujets - titrait :
“The beginning of the end of Putin”
10 ans plus tôt, tout pile. Ouch. Une prédiction plutôt ratée à l’aune de la catastrophe humanitaire et économique qui s’apprête à s’abattre sur nous à cause de ce sale type. Et même si on aurait tous préféré que The Economist ait raison il y a une décennie, qui peut leur en vouloir ? Depuis notre entrée dans le 21e siècle, c’est le bazar, et il est devenu sacrément difficile d’anticiper l’avenir.
Pire : nous nous mettons souvent des oeillères informationnelles. Malgré une concentration du débat public ayant duré des mois sur le Brexit ou l’élection américaine de 2016, nous sommes tous tombés de notre chaise à l’annonce de la sortie de l’UE du Royaume-Uni, et de la prise de fonctions de ce bon vieux Donald.
Bilan des années 2010 : on a vu un pays quitter une union qu’on prédisait immuable, et on a vu les citoyens américains élire un président qu’on jugeait inapte.
En revanche, Paul le Poulpe, aka l’oracle d’Obernhausen, avait prédit la victoire de l’Allemagne lors de la Coupe du monde de football de 2010 (il avait aussi fait 13 autres prédictions, donc 11 se sont révélées exactes). 🐙 De quoi remettre en question pas mal de choses, et surtout notre capacité à prédire le futur.
Bien sûr, de nombreux paramètres entrent en jeu : l'instabilité ambiante du monde, les changements structurels liés à une économie globalisée, des nouvelles technologies qui viennent changer la donne dans la communication et le partage de l’information…
Mais par-dessus tout, un petit truc sympa logé dans nos cerveaux : le biais de confirmation, cette tendance à donner priorité aux informations qui confirment et valident notre vision du monde et nos idées. Dans les années 1900, les prédictions ratées étaient déjà de mise :
The coming of the wireless era will make war impossible, because it will make war ridiculous.
Guglielmo Marconi, pioneer of radio, Technical World Magazine, October, 1912
With over fifteen types of foreign cars already on sale here, the Japanese auto industry isn't likely to carve out a big share of the market for itself.
Businessweek, August 2, 1968.
There's no chance that the iPhone is going to get any significant market share
Steve Ballmer, USA Today, April 30, 2007
Bref - tout ça pour dire que nous sommes de piètres devins. Et ce n’est pas entièrement notre faute, c’est en partie celle de nos biais et de la réflexion très court-termiste de mise dans notre société aujourd’hui.
Alors, si les prédictions ne valent plus un kopeck (mauvaise blague, désolée), que pouvons nous faire pour anticiper les changements dans nos métiers, nos industries, nos économies ?
Si j’avais la réponse, vous imaginez bien que je serai en train de siroter des noix de coco plutôt que de me tordre le cou chaque jour sur un MacBook en fin de vie 😑
Ceci étant dit, il existe une alternative aux prédictions complètement délirantes : l’étude et l’extrapolation des signaux faibles, dans lesquels nous baignons depuis longtemps et que nous avons admis comme “normaux”. Mais aussi les voyages dans le passé, et la confrontation de notre “new normal” aux points de vue et aux normes culturelles de nos aînés.
Si le sujet vous intéresse, filez vite écouter l’un des premiers épisodes du podcast The Storyline, enregistré avec Noémie Aubron, prospectiviste de talent, qui raconte des histoires (possibles) du futur dans sa newsletter La Mutante.
Alors, pourquoi continuer à essayer de prédire le futur alors qu’on est quasiment toujours à côté de la plaque ? Parce qu’aujourd’hui plus que jamais, il est essentiel de ne pas rester cantonnés à notre présent - nous devons questionner les futurs possibles et nous positionner dès maintenant pour les influencer, plutôt que de les subir.
Je vous propose donc que nous fassions nous aussi un petit voyage dans le futur, avec 10 scénarios possibles (ou bidon, l’avenir nous le dira) pour le futur de la consommation et du marketing. 🧙♀️
10 scénarios du futur et leur impact sur les marques 👀
PS : on pourrait discuter des heures de ces sujets, mais votre attention et la tolérance de Substack sur la longueur des emails est limitée - j’ai donc essayé de résumer au max, vous me pardonnerez les raccourcis d’idées ! Et pour en parler plus en détail, écrivez-moi 😉
#1 - L’économie des créateurs et la fragmentation de l’influence 🤳
Ce concept, qui existe depuis de nombreuses années, a été popularisé par Li Jin, alors Partner dans la firme de venture capital ultra connue Andreessen Horowitz.
Dans les premiers temps, Li Jin parlait de passion economy, désignant les individus monétisant une audience autour de leur passion, mais désormais, on parle bel et bien de creator economy. Une notion plus vaste, qui va au-delà de la passion et désigne un nouveau pan de l’économie, facilité par des outils qui permettent la monétisation de créations diverses. Substack pour les auteurs, Anchor et Ausha pour les podcasteurs, Discord pour les gamers… Une industrie, si l’on en croit Fast Company et Forbes, qui représente déjà plus de 50 millions d’indépendants, et valorisée à 104 milliards de dollars 🤯
🔮 Et dans le futur, ça donne quoi ? La creator economy nourrit plusieurs désirs partagés par de nombreux individus :
l’indépendance financière (mais seulement pour ceux qui réussissent à l’atteindre, car elle n’est pas si simple)
la popularité (la phrase de Warhol, “"In the future, everyone will be world-famous for 15 minutes” n’a jamais été aussi vraie…)
Il y a fort à parier que la creator economy attire toujours plus de candidats, et chamboule donc l’univers du travail (de plus en plus de freelances) mais aussi les logiques d’influence (de plus en plus de micro et de nano influenceurs). Pour les marques, cela impliquera de donner plus d’importance aux partenariats, aux campagnes co-brandées, mais aussi de donner à leurs employés l’opportunité de devenir eux-même des créateurs (coucou les contrats 4/5e) pour valoriser leur marque employeur.
D’ailleurs depuis, Li Jin a lancé son propre fonds, Atelier Ventures, qui investit dans… l’économie des créateurs. La boucle est bouclée !
#2 - L’ownership economy : demain, tous ‘shareholders’ des marques que l’on consomme 🕸
L’ownership economy - au sens où on l’entend ici - est un mouvement encore assez flou et dont les contours ne sont pas à 100% définis. Elle désigne tout de même un “mode de fonctionnement dans lequel l’ensemble des stakeholders d’une entreprise ou d’un projet détiennent un intérêt - traditionnellement, sous forme d’actions.”
Ce n’est ainsi pas un modèle qui est radicalement nouveau. Certaines entreprises, comme la MAIF par exemple, proposent un modèle d’assurance mutualiste dans lequel les assurés sont sociétaires. Et la plupart des jeunes entreprises proposent à leurs investisseurs de prendre une part à leur capital en échange d’un investissement initial. Ou à leurs first employees une partie intéressante d'equity.
Mais ce qui a changé ces dernières années, c’est l’arrivée de la blockchain et les nouvelles opportunités qu’elle a ouvert par le biais de la création de tokens - ou jetons. Aujourd’hui, on voit naître de nombreuses communautés, des collectifs, et parfois même des entreprises qui rémunèrent, incentivent ou récompensent leurs contributeurs sous forme de tokens ou de monnaies digitales créées via la blockchain. Dans les entreprises comme Coinbase et BitPay, certains employés sont déjà rémunérés à 100% en bitcoin. D’autres choisissent une répartition plus équilibrée, entre crypto et fiche de paie.
🔮 Et dans le futur, ça donne quoi ? Aujourd’hui, il est encore relativement complexe de créer sa propre crypto monnaie, et seule une poignée de celles existantes est acceptée comme mode de paiement de manière généralisée. Mais demain, pourrait-on tous avoir un salaire à 50% en cash et 50% en token ou en parts d’un projet, qui fluctuerait en valeur en fonction du succès de ce projet ? Si c’était le cas, cette dynamique rebattrait complètement les cartes du “why” de l’entreprise, en mettant ce dernier en premier plan. On travaillerait pour un job en partie pour le salaire, mais aussi parce qu’on croit profondément en sa mission et ses chances de succès. Une vision poétique et sûrement un peu idéaliste du futur du travail, mais qui remettrait le sens et la responsabilité des entreprises au coeur du débat…
#3 - Les NFT à la conquête du marketing 👾
Pour continuer sur la lignée de la blockchain, une troisième tendance, incontournable et qui a réellement explosé ces derniers temps, c’est celle des NFT - ou non fungible tokens. Si vous n’y comprenez toujours rien, rendez-vous sur la dernière édition dédiée au sujet. 👀
Les NFT, ces jetons manifestant la propriété et l’unicité d’un “objet digital”, permettent aux marques - et aux indépendants - de jouer sur plusieurs levier du marketing traditionnel, et notamment
la rareté, comme ils sont uniques
la FOMO, puisqu’on peut potentiellement espérer un gain financier si le NFT prend en valeur du fait de sa rareté.
le désir d’appartenance, car aujourd’hui détenir un NFT, c’est envoyer un signal social fort.
Ces leviers sont tous les trois extrêmement puissants dans le processus décisionnel du consommateur.
🔮 Et dans le futur, ça donne quoi ? En créant des NFT donnant accès à des expériences personnalisées, un certain statut et un ensemble de bénéfices, les marques peuvent créer un lien privilégié avec leurs consommateurs. J’imagine un peu cette tendance comme l’application des codes du luxe (éditions limitées, accès à des privilèges, social signalling…) à de nouveaux marchés moins élitistes. Une bonne opportunité pour certains marques - ou certaines industries - de se réinventer totalement !
#4 - Le community-led growth, nouveau moteur de croissance des entreprises 🚀
Le community-led growth désigne la stratégie, de plus en plus adoptée par les entreprises, à positionner la communauté comme le levier central de leur croissance. Ce faisant, elles s’appuient sur leurs membres pour grandir et optimiser leurs métriques de succès.
Les exemples sont aujourd’hui nombreux :
La néobanque Shine a créé et animé pendant plus d’1 an une communauté d’entrepreneurs avant de lancer sa carte bancaire ;
L’expert de la micro-aventure Chilowé a existé pendant plus de 3 ans en tant que communauté d’amoureux de la nature avant de lancer son offre actuelle de tour operator ;
Le roi du covoiturage BlaBlaCar s’appuie sur sa communauté de fans, qui répondent spontanément aux questions des utilisateurs sur sa page de FAQ et lui offrent donc un service client ultra réactif… et gratuit ;
La plateforme Doctolib se nourrit des retours d’une communauté privée de médecins pour construire sa roadmap produit ;
La marque de fringues Asphalte s’appuie sur sa communauté pour co-créer chacun de ses futurs produits (elle adopte ainsi une approche user-centric dans la conception de ses collections).
🔮 Et dans le futur, ça donne quoi ? Des marques qui s’appuient sur leurs communautés de consommateurs pour prendre des décisions vis-à-vis de leur stratégie, de leur gouvernance, de la conception de leurs produits et services, de leur service client, de leur marketing… Demain, les lignes entre employés, consommateurs et stakeholders seront encore plus floues qu’elles ne le sont aujourd’hui. Raison de plus pour les marques d’apprendre à créer de “vraies” communautés aujourd’hui, plutôt que d’avancer en silo dans leur coin.
#5 - La crise des données personnelles et la fin du Web2 💣
Autre tendance qui promet de continuer à se développer ces prochaines années, celle de la protection des données personnelles - et tout ce qu’elle implique pour les entreprises d’un point de vue marketing !
Vous l’avez surement remarqué, depuis la mise en place de la RGPD, c’est sacrément plus difficile de démarcher “à la sauvage” ou en mode “quick and dirty” (sic). Les gouvernements se sont secoués pour protéger les droits de leurs concitoyens, et ont ainsi mis un sacré coup dans l’aile de nombreuses entreprises qui monétisent ces données en les utilisant à des fins publicitaires, ou de tracking.
L’exemple ultime de ces déboires, c’est bien sûr Facebook, qui est dans le viseur des législateurs européens et américains depuis le scandale de Cambridge Analytica. Mais derrière les sujets de protection des données personnelles, se cache un autre sujet encore plus massif : le Web2 et une grande partie de son infrastructure se sont construits autour du modèle économique de la monétisation des données. De nombreuses apps sont accessibles gratuitement uniquement parce qu’elles se rémunèrent sur la publicité, le sponsoring, ou encore l’affiliation.
🔮 Et dans le futur, ça donne quoi ? Tinder, Angry Birds, Instagram, Shazam… Si on interdisait la monétisation des données d’usage, comment ces applis se rémunèreraient-elles ? La réponse la plus évidente : en faisant payer l’utilisateur final plutôt que les publicitaires, par le biais de formats ‘Freemium’ (Yuka) ou de souscriptions (Headspace, Petit Bambou…). La réponse alternative : en proposant aux utilisateurs de monétiser leurs propres données et en leur rachetant ces données pour les revaloriser ensuite. Je n’ai pas encore de vision claire sur la forme que pourrait prendre ce nouveau modèle, mais il est certain que le Web3 s’apprête à y jouer un rôle.
#6 - Le storytelling au service de la manipulation informationnelle 👨💻
Une tendance pas très cool, je l’admets, mais qui est importante : celle du storytelling utilisé à des fins négatives et de son emploi à des fins de manipulation sur les réseaux sociaux.
D’où vient le problème ? Des algorithmes des réseaux sociaux. Aujourd’hui, ces derniers sont programmés pour optimiser l’engagement des utilisateurs : la durée de vue, les clics… Et le contenu qui engage le plus les utilisateurs, c’est celui qui est très émotionnellement chargé (encore une fois, merci à nos chers cerveaux et à leur addiction à la dopamine, l’ocytocine et autres hormones sympa).
Et donc, plus on passe du temps sur un réseau, plus on clique, plus l’algorithme nous entraîne dans des recoins plutôt sombres des internets - ou du moins, plus polarisés sur un mode de vie ou certaines opinions politiques. Et c’est là que la manipulation entre en jeu. Aujourd’hui, nous vivons déjà dans des bulles informationnelles et des chambres d’écho qui magnifient nos opinions personnelles. Pour ne citer qu’un exemple, les Talibans ont largement utilisé les réseaux sociaux, notamment Whatsapp, Facebook et Twitter, pour diffuser leur idéologie et gagner la guerre de la propagande.
Banni de Twitter, YouTube et Facebook, Trump ne s’est pas déballé : le mois dernier, il a carrément lancé son propre réseau social, ‘Truth Social’ (lol) pour continuer à réécrire tranquillement sa propre version de l’histoire avec ses followers. À l’heure où j’écris ces lignes, l’application est #10 de l’App Store dans la catégorie Social Networking et cumule déjà plus de 37,000 notes…
Demain, que se passera-t-il sur ce front ?
🔮 Et dans le futur, ça donne quoi ? Un monde fracturé, siloté, dans lequel chaque pays, chaque candidat, chaque marque a créé son propre réseau social, qui informe sa propre communauté par le biais de son prisme et de sa vision du monde ? C’est une image qui fait froid dans le dos, mais qui pourrait être une “alternative” aux milliards de fake news qui inondent les réseaux sociaux. À l’avenir, le sujet de la modération et de l’éthique informationnelle promettent de prendre une place centrale dans notre société de l’information…
#7 - Le mouvement déconnectiviste en plein essor 🔌
Pour continuer dans la branche des prédictions liées à la fracturation, la polarisation et tous les débordements liés aux réseaux sociaux, on observe aussi ces derniers temps un nouveau mouvement intéressant, celui de la déconnection.
En 2021, plusieurs études accablantes ont été publiées, démontrant l’impact négatif d’Instagram sur la santé mentale des jeunes adolescents - et surtout des adolescentes. Le réseau social orienté sur le lifestyle a en effet un lien direct avec le mal être, les tentatives de suicide des plus jeunes et la fragilisation de l’estime de soi (et d’ailleurs au passage, il n’y a pas que les plus jeunes qui en souffrent).
En réponse à cette situation, plusieurs marques ont décidé de tout bonnement quitter les réseaux sociaux. C’est notamment le cas de Lush, qui a fait beaucoup de bruit sur ce sujet, en fermant ses comptes Instagram, Facebook et Snapchat suite à une nouvelle politique mondiale anti-social media. Un acte fort - mais que la marque de cosmétiques peut se permettre, puisqu’elle a des boutiques aux quatre coins du monde et que ses consommateurs reconnaissent l’odeur si particulière de ses produits dans la rue, avant même de voir son enseigne !
🔮 Et dans le futur, ça donne quoi ? Un monde sans réseaux sociaux, dans lequel on envoie des messages à ses potes depuis une version revisitée du Nokia 3310 ? Un retour à l’honneur du format newsletter, par le biais duquel on pourrait suivre les vies de nos proches ? Des lieux dédiés dans lesquels on se rend pour se connecter aux réseaux sociaux pour une durée limitée et chronométrée une fois par semaine ? Dur dur d’imaginer à quoi ressemblerait un monde sans écrans, quand nous sommes tous collés dessus 70% de notre temps. Ceci étant dit, la déconnection est un vrai sujet. D’ailleurs, l’an dernier, 22% des italiens auraient arrêté d’utiliser les réseaux sociaux. Si les marques comprennent comment attirer leurs audiences sans être esclaves des réseaux sociaux et de leurs algorithmes, ce mouvement pourrait complètement changer la donne de nos modes de consommation : plus de local, plus de proximité, et des formats publicitaires qui devraient se réinventer…
#8 - L’avènement du slow content 💆♀️
Tout le monde ne peut pas se permettre de débrancher la prise des réseaux sociaux, c’est une réalité. Et ce, notamment pour les jeunes entreprises qui se lancent et n’ont pas encore d’audience. Mais au lieu de se borner à produire des tonnes et des tonnes de contenu marketing et commercial qui va simplement rajouter à la cacophonie ambiante en ligne et à la surcharge informationnelle, une autre voie est possible…
C’est celle du slow content. Une démarche qui consiste à envoyer valser son calendrier éditorial bien huilé, à appuyer sur la pédale de frein de la com’ et à ne prendre la parole sur les réseaux sociaux que quand on a vraiment quelque chose à dire.
C’est une approche qui met la priorité sur la qualité plutôt que la quantité, et s’érige contre les diktats des algorithmes de recommandation.
🔮 Et dans le futur, ça donne quoi ? Des info-lettres mensuelles, des réseaux sociaux à l’abandon sur lesquels on a enfin arrêté de raconter des trucs qui n’intéressent personne, un quota informationnel qui limite le nombre de prises de parole par marque ? Affaire à suivre sur ce plan 👀
#9 - L’éthique s’invite dans le marketing 🌱
Pourquoi parler de marketing éthique, ce terme qui fait plutôt intuitivement penser à un oxymore ?
Parce qu’aujourd’hui, notamment sous l’impulsion des scandales des réseaux sociaux, on a gratté le vernis de la com et on a découvert toutes les pratiques malhonnêtes qui se cachent derrière certaines stratégies. Par exemple, le fait pour certaines entreprises de jouer dans leur marketing sur la FOMO des consommateurs, sur le biais de rareté, ou sur plein d’autres biais cognitifs.
Exemple ultime de ces pratiques que l’on appelle les dark patterns : les plateformes aériennes et touristiques comme Booking ou Expédia, qui matraquent les internautes de messages comme “seulement 2 places disponibles” ou “profitez dans les 10 prochaines minutes de 10% de réduction” et j’en passe et des meilleures.
Dans les apps, c’est pareil : ces dernières sont engineered pour nous rendre dépendants et nous faire revenir en permanence, à l’aide de growth loops et
Au risque de passer pour une idéaliste naïve ou une hypocrite (après tout, le marketing c’est mon métier), j’ai quand même envie de dire que tout ça, c’est non 🙅♀️
Parfois, je me demande comment on en est arrivés à un stade où il est communément admis que l’objectif des marques, c’est d’ôter aux gens leur libre arbitre, de leur créer des désirs et de jouer sur leurs insécurités pour leur faire croire qu’ils ont besoin d’un blender portatif ou d’un programme de perte de poids miracle. Quand j’y pense, ça me déprime. Heureusement, le tableau n’est pas si noir et de nombreuses marques s’érigent contre ce status quo.
Le marketing éthique s’érige contre ces pratiques qui jouent sur les faiblesses du consommateur, et il propose de remettre plus de transparence et d’honnêteté dans le discours des marques. Il va certainement prendre de plus en plus de place dans les stratégies de com des prochaines années, mais attention à ce qu’il ne se transforme pas en greenwashing ou en wokewashing. Par exemple, des études montrent que malgré une forte croissance des promesses d’initiatives green et des mentions de mots clés comme “climat”, “faible émission carbone”, ou encore “transition” dans les rapports annuels de Shell et BP ces dernières années, les analyses financières montrent que les modèles économiques de ces acteurs restent dépendants des énergies fossiles, et que les actions de communication sont du greenwashing pur et simple…
🔮 Et dans le futur, ça donne quoi ? Les mouvements de type B-corp et le nouvel archétype de l’entreprise engagée ont déjà fait bouger les lignes. Mais souvent, ces entreprises reprennent le playbook traditionnel du marketing pour se faire connaître, et retombent dans les travers de leurs concurrentes... Demain, pourrait-on imaginer une charte déontologique de la com’ et du marketing adoptée par toutes les entreprises à leur création ? Des principes de respect du consommateur, de son intégrité intellectuelle et de son libre arbitre ? C’est un pari, mais aussi un des possibles pour le futur 🤩
#10 - Le bundling des offres 🛍
Je voulais aussi finir par un sujet moins visible, moins palpable, mais dans lequel je crois énormément. J’ai nommé, la tendance du bundling.
Le bundling se situe à l’intersection de plusieurs réalités de nos marchés aujourd’hui :
La première, c’est qu’il est de plus en plus difficile de se faire entendre, remarquer et connaître pour les jeunes marques. La cacophonie médiatique sur les réseaux sociaux et la concurrence intense sur la plupart des marchés rend compliquée l’acquisition de nouveaux consommateurs.
La deuxième, c’est que lesdits consommateurs, aujourd’hui, attendent des marques plus qu’un simple produit ou service ; ils consomment souvent de manière symbolique ou militante, l’achat est un geste engagé, et les consommateurs ont envie que les marques qu’ils consomment soient porteuses d’idéaux, de valeurs… Et qu’elles encouragent un certain mode de vie, ou lifestyle.
Au coeur de cette cacophonie, faire des choix d’achat engagés et éclairés est de plus en plus difficile. Et l’enjeu des prochaines années est donc pour les marques de créer de la simplicité dans les parcours de découverte et d’achat de leurs consommateurs.
🔮 Et dans le futur, ça donne quoi ? Un futur possible serait donc que plusieurs marques positionnées sur les mêmes valeurs, et ciblant les consommateurs adhérant au même lifestyle, s’associent pour proposer leurs produits en “bundle”, c'est-à-dire de manière groupée.
On pourrait ainsi imaginer un Patagonia qui s’associe à la société de viande végétale Impossible Foods et à une assurance vie verte, investissant uniquement dans les projets visant à lutter contre le réchauffement climatique. Le consommateur n’aurait ainsi qu’à faire un choix : celui du lifestyle auquel il souhaite adhérer.
Le mot de la fin
Voilà pour les prédictions de ces prochaines années ! J’espère qu’elles vous ont fait cogiter 😊
Comme je vous le disais au début de cette édition, il n’est pas simple de prédire l’avenir - d’autant plus que nous avons tous tendance à simplement extrapoler sur l’existant, et imaginer le futur par le prisme du présent, en nous appuyant sur ce que nous connaissons. En Mai 2020, j’avais dédié une édition de cette newsletter à l’importance de la prospective.
Il est très difficile de se détacher de notre contexte immédiat, et d’imaginer un futur en rupture avec le présent. Mais le problème, c’est que ne pas réfléchir au futur, c’est prendre le risque d’aller dans une mauvaise direction, ou de ne pas pouvoir anticiper à temps des changements radicaux dans notre société. Je m’explique :
John McCarthy, l’un des pères de l’Intelligence Artificielle, terme qu’il a inventé en 1955, n’avait sûrement pas imaginé que cette technologie allait rendre un paquet de compétences techniques et de métiers obsolètes, tout en faisant rentrer l’humanité dans “l’ère des soft skills”.
Mark Zuckerberg, en 2004 dans sa chambre d’étudiant à Harvard, n’avait sûrement pas imaginé qu’il se retrouverait un jour à devoir débourser des millions de dollars de compensation à ses modérateurs, qui sont de plus en plus nombreux à développer des symptômes post-traumatiques (les fameux PTSD dont sont victimes beaucoup de vétérans de guerre), à force d’être exposés au contenu nuisible qu’ils sont responsables de filtrer sur la plateforme Facebook.
Ouvrir un débat, imaginer les futurs possibles est une responsabilité pour nous tous. Non seulement pour garantir aux générations futures une société de consommation plus équitable, mais aussi pour nous mêmes.
Bien sûr, il peut paraître difficile à son échelle individuelle de se lancer ! Mais si vous y regardez de plus près, les tendances mentionnées ci-dessous sont abordables pour chacun d’entre nous : protéger ses données personnelles, prendre un peu de recul vis-à-vis des réseaux sociaux, militer pour un marketing anti-bullshit dan son entreprise, soutenir des créateurs en leur écrivant et en leur disant qu’on aime ce qu’ils font (non non, je ne parle pas de moi 🙄) … Tout commence par des petits pas ! Et pour creuser le sujet, je vous invite à vous abonner à Usbek et Rica, mon magazine de prospective préféré, qui m’accompagne depuis plusieurs années dans mes réflexions.
Sur ce, je m’arrête ! J’espère vous avoir donné un peu d’inspiration, et je vous retrouve le mois prochain pour l’édition sur les NFT…
🐓 #47 - Communication digitale : s’inspirer des leçons de la sphère politique
Quelle est le point commun entre Angela Merkel et la marque de luxe Bottega Veneta ? Pour le découvrir, rendez-vous sur le podcast, pour l’interview de Kéliane Martenon, qui a passé ces dernières années à bosser sur la com’ digitale de Bercy et l’Elysée ! On discute ensemble dans cet épisode des ponts entre communication politique et marketing, et des bonnes pratiques dont les marques peuvent s’inspirer…
🎂 #48 - Épisode spécial anniversaire : 2 ans et 10 prédictions sur le futur du marketing
Si vous avez la flemme de lire tout l’article de cette édition de la newsletter, réjouissez-vous : il existe en version audio ! 🎉 Pour les 2 ans de The Storyline, j’ai dédié un épisode du podcast à un petit bilan de l'année passée, et aux thématiques qui vont - à mon humble avis - secouer les marques dans les années à venir.
Alors, ça vous a plu ?
🌟 Génial • 👍 Bien • 😕 Bof • 🙈 Nuuuul
Si vous avez aimé cette édition et que vous kiffez The Storyline, ce serait un énorme coup de pouce de la partager ou même - soyons fous - d’aller donner 5 étoiles et un commentaire au podcast sur Apple 👉 par ici 👈.
D’ici-là, je vous donne rdv dans un mois pour la prochaine édition !
Super newsletter, hyper complète, j’ai appris plein de choses. Ah et je partage ton constat 6 sur la manipulation de l’info via le storytelling, notamment sur les réseaux sociaux. J’avais fait un article avec des experts et chercheurs au moment de l’élection de Biden dans Challenges…les prédictions ne font que se rapprocher!