Du ROIstique à l’iconique, histoire d’une transformation 🐛🦋 Hey Harper
Comment une marque s'est taillé la part du lion dans l'univers (saturé) de la bijouterie
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Hello !
Comment vas-tu ? De mon côté, l’exploration de Strasbourg et du Grand Est continue, avec de jolies randos et des balades à vélo (avec mon casque boule disco Helmut, of course)
La dernière édition, dédiée à la plateforme Chasseurs de Champignons, a suscité les passions ! J’ai reçu de nombreux témoignages et remarques positives, je vais donc essayer de continuer à te dénicher des petites pépites comme celle de Jordan, et te partager les coulisses marketing de projets audacieux et inattendus.
Et justement, l’édition d’aujourd’hui s’inscrit dans cette lignée : j’ai contacté Catarina Oliveira, la CEO de Hey Harper, pour l’interviewer sur son projet de création d’une marque de joaillerie accessible. Je ne spoil pas, mais son témoignage regorge de bonnes idées ! Et si à la fin de la lecture, tu as envie d’aller acheter un bijou sur son site, je décline toute responsabilité 😅
Bonne lecture,
Noémie
Temps de lecture : 13 min
Il y a quoi dans ce case study ?
Une success story démarrée… un poil par hasard
L’idée différenciante : le bijou waterproof et la garantie à vie 💦
De la performance au branding : une évolution nécessaire
De start-up DNVB à marque durable et établie : un modèle qui se détache de sa fondatrice
Hey Harper : du ROIstique à l’iconique, histoire d’une transformation 🐛🦋
Une success story démarrée… un poil par hasard
Nous sommes en 2018. Catarina Oliveira, une jeune portuguaise de 26 ans, vit à Lisbonne. Lassée par son emploi, elle commence à créer ses propres bijoux chez elle, « pour s’occuper » me confie-t-elle.
Son compagnon, spécialisé en performance marketing, lui propose de l’aider à tester des stratégies d’acquisition sur les réseaux sociaux, pour promouvoir ses créations. À la surprise de Catarina, rapidement, les premières ventes affluent : jusqu’à 10 par jour, « et pas seulement à des amis ou des gens que je connaissais », précise la jeune entrepreneuse. C’est un déclic pour le couple : il y a ici une opportunité bien tangible à explorer. Très vite, Catarina s’organise : la marque Hey Harper est née.
L’idée différenciante : le bijou waterproof et la garantie à vie 💦
Le concept d’Hey Harper repose sur une frustration universelle (en tout cas, bien connue de la gent féminine) : avec le temps, la plupart des bijoux à des prix abordables ternissent, perdent leur couleur, s’abîment.
Catarina ambitionne d’offrir une solution à ce problème. Elle se questionne : pourquoi ne pas proposer des bijoux élégants et accessibles que l’on peut garder sous la douche, à la plage, en faisant du sport ?
« À l’époque, je n’avais pas le budget pour m’acheter des bijoux en or, et j’ai toujours eu du mal à trouver de beaux bijoux, originaux, qui durent. Je me suis donc donné pour mission, à travers Hey Harper, de démocratiser la joaillerie, tant du point de vue de la qualité des bijoux que de celui du design. »
L’intention est posée - mais encore faut-il trouver le bon message pour faire mouche auprès de son audience cible ! Catarina teste alors plusieurs angles promotionnels, plusieurs promesses et divers styles de copywriting sur les réseaux sociaux, aidée par son compagnon. Au début, aucune ne semble réellement se démarquer - jusqu’au jour où Catarina décide de tester une proposition de valeur plutôt originale : la qualité waterproof (résistant à l’eau) de ses bijoux.
C’est à mon sens le premier coup de génie de Catarina : à l’époque, aucune marque ne met cet argument en avant. Hey Harper se l’approprie, avec une proposition forte : des bijoux en acier inoxydable (le même matériau que celui utilisé par Cartier ou Rolex pour leurs montres argentées), assortis d’une garantie à vie.
Les deux bonnes pratiques à retenir 💡
Premier joli coup dont s’inspirer : la marque s’oppose aux codes ‘historiques’ du marketing qui régissent son secteur d’activité, en proposant une promesse ultra pratique : la durabilité de ses produits (diamétralement opposée à la plupart des discours de marques de bijoux de luxe, qui ont plutôt tendance à mettre en avant des éléments comme l’héritage de la marque, le savoir-faire, le rêve et l’imaginaire, l’exclusivité, le design des produits, etc). C’est une approche très similaire à celle de La Belle Boucle (à laquelle j’ai consacré une édition ici), qui a réussi à se tailler une place dans l’univers des produits capillaires grâce à un discours très positif autour des cheveux bouclés (à l’inverse de ses concurrents, très ancrés dans un discours négatif)
Deuxième bonne pratique : non contente de promettre, Hey Harper s’engage très concrètement auprès de ses clients, démontrant au passage sa confiance en ses propres bijoux, à travers la garantie à vie. C’est la même stratégie que celle adoptée par Patagonia (dont je parle dans une précédente édition, ici) et sa garantie Ironclad (elle aussi à vie).
De la performance au branding : une évolution nécessaire
Lorsqu’elle lance sa marque, Catarina fait le choix de l’autofinancement. Alors, forcément, au début, tout est un peu artisanal : c’est elle qui assemble les bijoux, fait le site, rédige les publicités, imagine un packaging minimaliste (et s’occupe des commandes)...
Aujourd’hui, Hey Harper a une dimension bien plus « mass market » dans l’audience qu’elle touche. La marque emploie 40 personnes, et s’appuie sur une identité de marque bien plus affirmée. Et entre les deux, il y a eu des décisions stratégiques et des paris marketing bien précis.
Le premier défi (et l’un des plus conséquents, selon Catarina), a été pour Hey Harper de se détacher de l’image d’« Instagram brand ».
Car, si vendre via les réseaux sociaux est un levier de croissance puissant (je pense notamment à la génération des DNVB, ou Digital Native Vertical Brands), cette approche peut aussi alimenter une perception négative de la marque, voire donner carrément l’impression qu’elle fait du dropshipping (cette pratique qui consiste à vendre des produits sans les stocker, en les expédiant directement depuis un fournisseur tiers, souvent sans véritable contrôle sur la qualité ou la différenciation de l’offre).
Autrement dit, quand on se lance sur Insta, on peut vendre rapidement et viraliser sa com’ - mais la marque et l’expérience de marque restent souvent associées à du moyen - voire du bas - de gamme.
Alors, concrètement, comment (ré)affirmer son univers de marque ? Le virage stratégique a lieu au bout de 4 ans, lorsque Catarina initie un gros chantier de repositionnement, pour aider Hey Harper à être perçu comme une marque établie. L’enjeu principal : créer des éléments de réassurance autour de la solidité de la marque, et affirmer son identité et son univers de manière plus assumée.
Parmi les initiatives clés :
Catarina ouvre une boutique physique à New York. Cette dernière génère peu de revenus directs, mais représente une vitrine symbolique extrêmement importante pour la crédibilité de la marque. Cette stratégie rappelle celle de Casper, la célèbre DNVB américaine vendeuse de matelas, qui avait dès 2018 ouvert un concept store immersif, le Casper Sleep Store, en plein quartier de Manhattan. Pour Hey Harper, ouvrir une boutique permet non seulement de donner vie à son univers de marque, mais aussi de se positionner comme “égal” (ou du moins, challenger) à ses concurrents établis ;
Elle opère également un redesign complet du site web, pour lui donner une apparence plus professionnelle et sérieuse - tout en enrichissant le parcours client, notamment à travers l’UX et l’UI.
Hey Harper a donc démarré comme une marque ultra-performante en acquisition client, avec un modèle direct-to-consumer (DTC, qui consiste à vendre directement à ses clients sans passer par des intermédiaires). Aujourd’hui encore, 90 % des revenus proviennent du site web.
Mais, comme me l’a confié Catarina pendant notre interview, en misant tout sur la performance, la marque a négligé la dimension émotionnelle et communautaire. Et in fine, la connection émotionnelle et l’adhésion à un univers de marque sont de puissants vecteurs de conversion, mais aussi de fidélisation d’une clientèle existante. Catarina réalise qu’au-delà de l’acquisition de nouveaux clients, il est aussi essentiel de leur offrir une expérience de marque qui les encourage à devenir des clients fidèles, voire des ambassadeurs de Hey Harper. Et, bien sûr, cette expérience passe par la création d’une stratégie de marque.
En réponse à cet objectif, en 2024, un tournant s’opère : recrutement d’une Head of Brand, refonte des stratégies marketing... L’objectif ? Passer d’une approche purement ROI-stique à une stratégie centrée sur la relation client.
La promesse du bijou waterproof, qui a fait le succès initial de la marque, ne suffit plus : elle est désormais reprise par de nombreux concurrents. Hey Harper veut maintenant créer un attachement durable, « à la manière de Nike, Patagonia ou Apple », me glisse Catarina en souriant.
Moins de messages purement transactionnels (du type « achetez maintenant » ou « gros déstockage »), plus d’histoires et de liens avec la communauté. Concrètement, cette démarche implique pour Hey Harper plusieurs chantiers :
Une restructuration interne des équipes, pour intégrer le branding au service de la performance ;
Des collaborations avec des influenceurs au-delà de la mode (lifestyle, bien-être, sport, etc.) et ayant des communautés plus petites - mais plus ciblées et engagées ;
Un enrichissement du parcours client et de l’expérience utilisateur.
C’est ainsi l’an dernier un véritable ravalement de façade que s’est offert la marque ! Mais aussi le début d’une stratégie de marketing communautaire.
De start-up DNVB à marque durable et établie : un modèle qui se détache de sa fondatrice
Contrairement à des marques comme Respire, La Belle Boucle ou Goop, Hey Harper ne repose pas sur l’image de sa fondatrice Catarina.
C’est un choix délibéré : s’il est tentant de capitaliser sur une figure emblématique, l’approche peut aussi devenir un risque, voire un frein à long terme. Des marques comme Green-Got (qui s’appuie sur sa fondatrice Maud Caillaux), Team for the Planet (qui s’appuie sur son co-fondateur Arthur Auboeuf), ou encore Respire (qui a construit son marketing autour de l’histoire personnelle de sa fondatrice Justine Hutteau) bénéficient de l’aura de leurs fondateur.ices - mais font également peser le poids de la réussite sur les épaules de ces derniers. Une stratégie qui peut dégénérer au moindre pas de travers, comme l’illustre l’exemple de Martha Stewart dont je te recommande l’excellent documentaire biographique sur Netflix, ou encore la chute d’Oussama Ammar, ancien co-fondateur de The Family.
Pour Hey Harper, la nouvelle phase de croissance initiée en 2024 met donc l’accent sur l’innovation produit et la force de la marque, plutôt que sur le personal branding de la fondatrice. Hey Harper s’éloigne de la logique des best-sellers et des publicités ciblées, pour se concentrer sur la nouveauté et la désirabilité.
Et après ?
« Nous n’en sommes qu’aux débuts de notre nouvelle aventure de marque, tout est encore à construire », tempère Catarina. En effet, il semble un peu tôt pour dresser le bilan de son opération de rebranding.
Le défi actuel de Catarina ? Bâtir une relation forte avec sa communauté, tout en conservant la machine de performance marketing qui a fait son succès. L’aventure est loin d’être finie, et la transition vers une marque iconique est un travail en cours. Mais une chose est certaine : Hey Harper a déjà démontré qu’elle savait réinventer son modèle pour durer.
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🦹♀️ Faux méchant à louer. Ce jeune malaisien a décidé de créer un business original : louer ses services de “bad guy” et se laisser tabasser par ses clients, qui veulent impressionner leur copine. C’est moi ou on vient de faire un retour rapide vers l’époque Mad Men ?
😡 Trump et le déni climatique, épisode 238. Le président des Etats-Unis a foutu le dawa en ordonnant à l'USDA (U.S. Department of Agriculture) de supprimer les sites web faisant référence à la crise climatique. Une censure pure et dure qui fait halluciner.
🙊 Le storytelling selon Trump. Dans la lignée des actions contre la liberté d’expression, Reporterre alerte : Trump a interdit aux scientifiques étasuniens tout un lexique environnemental et social de leurs travaux. Des mots comme « émissions de gaz à effet de serre », « réchauffement climatique » ou « justice environnementale ». Lunaire.
🤔 Starbucks mise sur la céramique. Pendant ce temps-là, Starbucks essaie encore et toujours de recréer du lien avec ses clients en redevenant la fameuse 'third place’, après la maison et le boulot. La dernière stratégie ? Reproduire des mugs en céramique, pour améliorer l'expérience des cafés. Affaire à suivre !
🚂 Green-Got prend le train. La néobanque verte a annoncé un partenariat de grande ampleur avec la SNCF : les clients achetant leurs billets de train avec une carte Green-Got se verront remboursés de 1 à 2 % sur leur achat. Malin !
😮💨 Étouffés par ChatGPT. J’avoue trouver ChatGPT sacrément utile parfois, mais cet article d’Usbek et Rica fait froid dans le dos : la GenAI risque d’avoir des conséquences désastreuses sur la qualité de l’air (et le bien-être de nos poumons, CQFD)
👑 Des followers aux ambassadeurs. The Drum partage une réflexion intéressante sur l’intérêt décroissant de la course aux followers (peu fidèles, peu engagés), versus la stratégie de brand advocacy qui consiste à alimenter une base fidèle de fans et d’ambassadeurs ultra motivés. Une bonne pratique du Community Building !
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Noémie