L'infobésité, maladie prédominante du XXIe siècle ? 🔊
Comment revenir à un rapport plus sain à l'information que nous consommons ?
🎧 Retour aux classiques avec No Diggity
Et sinon, mon petit frère m’a fait découvrir ce chef-d’oeuvre musical à la limite entre French Fuse et salut c’est cool - un remix de la SNCF qui fait bien rire 🚄
Hello Storyliners ! (Je teste des trucs, on aime ou on aime pas Storyliners ? 🤔)
Cette semaine, je voulais vous parler d’un sujet de société qui n’est pas des plus minces : l’infobésité (vous avez la blague ? accrochez-vous il y en a d’autres dans la newsletter 🙊). Si vous avez l’impression de ne plus vous en sortir avec la quantité d’informations à digérer chaque jours (les mails, les notifications, les réseaux…), vous n’êtes pas seul.e ! La pandémie a accentué cette situation, nous enfermant dans des bulles d’information en continu et des discours médiatiques extrêmes. L’article décrypte cette situation, et propose des pistes pour repenser notre régime informationnel quotidien.
Bonne lecture !
Noémie
L’événement de la semaine
Bon ok, j’exagère, ce n’est pas un ***événement***, mais la semaine dernière, le génial podcast Vocation a partagé la réflexion que j’ai eue pendant l’enregistrement de l’épisode avec sa co-fondatrice Jasmine, sur le déséquilibre dans le rapport employeur-salarié et sur l’obsolescence du contrat social que nous lions avec les entreprises qui nous emploient.
Et donc, ça m’a inspiré ma 👉 première série de Stories sur le nouveau compte Insta de The Storyline, par ici 👈 J’y raconte entre autres qu’à mon sens, le personal branding et le side project sont deux manières de se détacher de notre dépendance vis-à-vis d’un employeur et d’un système basé sur l’exploitation des compétences.
Je serais curieuse de lire vos opinions et vos réactions, n’hésitez pas à me les partager ici ou sur Insta !
Brain food 🧠
Des signaux faibles (ou forts) révélant les liens complexes entre marques, individus et nouvelles technologies - et l’impact sur nos jobs et nos modes de vie.
Pendant-ce temps-là, chez Facebook, on investit un gros budget dans l’IA et plus particulièrement le développement d’algorithmes capables d’interpréter le format vidéo. Même si les usages de l’IA sont encore flous, Facebook semble ambitionner de créer des lunettes intelligentes capables de capturer tous les moments de vie de leurs utilisateurs puis de les labelliser, classer en archiver automatiquement.
Ça s’active du côté de chez Microsoft : déjà, parce que Bill Gates est officiellement célib. Mais aussi (et c’est ça qui nous intéresse), parce que comme Facebook, Microsoft pose ses pions dans le grand jeu de la course à l’IA. Notamment dans le secteur de la technologie vocale, avec le rachat de la startup Nuance pour 19.7 milliards de dollars (et ça, ça fait un paquet de rosés en terrasse - oui j’attends le 19 mai avec impatience)
Ça chauffe un peu chez Twitch après qu’un étudiant en cybersécurité ait découvert par hasard en se baladant dans l’API interne de la plateforme (un hobby comme un autre 🤔) que les streamers se voient tous attribuer (sans le savoir) un Brand Safety Score (autrement dit, une note définir en fonction de son âge, profil, comportement, audience…) qui permettrait aux marques de mieux sélectionner les influenceurs avec lesquels elles souhaitent collaborer.
La semaine dernière je vous parlais de l’implication des marques (et du marketing) dans la politique. Pour alimenter la réflexion sur ce sujet, je vous propose de découvrir les règles de modération parfois absurdes et arbitraires de Facebook du contenu publié sur la plateforme.
Pause café ☕
Des informations random pour se marrer, se détendre ou s’inspirer
Je suis tombée complètement amoureuse de la série “Fool me Twice” de l’artiste Sarah Bahbah, soutenue par WeTransfer, qui utilise la photographie et le visual storytelling pour explorer ses propres blocages émotionnels et s’en libérer. Elle a aussi produit l’univers des deux très beaux clips de Kygo, Not Ok et What’s Love Got to Do with it. Si vous avez envie de souffler 15 minutes pendant votre journée, ses contenus sont parfaits !
Comment lutter contre l’infobésité ?
Le piège de la course contre l’information 🥵
Si vous suivez la newsletter depuis plusieurs mois, vous avez sûrement remarqué que le sujet de notre rapport à l’information me passionne. J’ai déjà abordé dans des éditions précédentes les sujets de l’économie de l’attention et de son impact sur la créativité et de la tendance slow content. Mais ce qui me chiffonne le plus, ces derniers temps, c’est la sensation permanente d’être complètement débordée par les informations que je dois traiter et processer chaque jour.
Certains appellent ça le creator burnout, d’autres une mauvaise organisation de travail (sic), et d’autres encore dénoncent l’infobésité, ou surcharge informationnelle.
Ce concept, popularisé par David Shenk dans les années 90, fait référence à “l'excès d'informations qu'une personne ne peut traiter ou supporter sans nuire à elle-même ou à son activité.”
Comme le résume Shenk dans un papier publié en 1997 :
I was reading three papers each morning, along with an abundance of periodicals.
Without realizing it, I had at some point made an important (and quite common) strategic decision about how to live in a world that more and more resembles a library without walls, containing more information than one person could ever hope to process.
I had decided to confront the rushing tide head on, to try to keep up with the new and speedy, and to more or less disregard the old and slow. I read my newspapers and magazines, my e-mail and my wire services; I watched Cable News Network;
I stopped spending time with books and other cumbersome material that felt more like yesterday.
Aujourd’hui, cette situation est toujours d’actualité. Voire plus. Et le problème, c’est que nous essayons tous, comme l’a fait Shenk, de garder le rythme et de traiter TOUTE l’information qui nous assaillit chaque jour, par le biais des emails, des messages, des magazines, de nos réseaux sociaux… Jusqu’au jour où nous n’y arrivons tout simplement plus.
Certaines personnes (entre 3 et 7% de la population mondiale selon certaines sources citées plus bas) finissent par faire le choix conscient de se couper totalement de l’information, jugée trop stressante ou peu fiable .
Le contenu poubelle des internets 🚯
La fiabilité, justement est un second enjeu qui fait de plus en plus parler de lui ces dernières années. Notamment du fait de la tendance grandissante des deepfakes, mais aussi de la prolifération des contenus pensés et optimisés pour plaire à des machines, et non plus à des humains.
Commençons par ces fameux contenus “optimisés”.
Il y a quelques semaines, dans ma newsletter de veille, j’ai reçu cette suggestion d’article, qui m’a interpellée :
Les conseils sont relativement basiques :
Créer des vidéos courtes et impactantes.
Utiliser des musiques et sons tendances.
Interagir avec d'autres créateurs de contenus.
Suivre les effets tendances et les hashtags populaires.
Ne pas supprimer ses anciennes vidéos.
Mais les #1, #2 et #4 m’ont tout de même interpellée, parce qu’ils incitent au conformisme. Pour percer et séduire les tout-puissants algorithmes de recommandation, il faut faire du court, du tendance, et du populaire. Ce qui explique notamment le succès ces dernières années des challenges TikTok tous plus intelligents les uns que les autres, voire parfois dangereux, comme se coller des faux crocs de vampire à la super glue sur les dents, prendre du Benadryl jusqu’à avoir des hallus, s’épiler le visage à la cire ou encore se tailler les dents à la lime à ongles
Bref, vous l’avez compris, les algorithmes favorisent le potentiel viral plutôt que la richesse d’un contenu.
Et petit à petit, un cercle vicieux se met en place, alimenté par les créateurs comme par les marques.
🤖 Pour être visible, il faut comprendre les algorithmes et se conformer à leurs critères de valorisation du contenu.
♻️ Mais aussi, produire en continu, pour espérer prendre une longueur d’avance par rapport à la concurrence.
🏃 Et ainsi, les marques se lancent dans la course à la production, quitte à produire des articles que personne ne lira jamais (ou du moins, pas des humains)
Et dans cette course, tous ne sont pas égaux : 2/3 des contenus de marque sur internet resteraient “invisibles” et ne seraient jamais vus. Et quand il n’est pas vu, parfois, il n’est tout simplement pas lu, comme l’avait révélé cette expérience de The Science Post, qui avait réussi à faire repartager un faux article à 46,000 personnes (qui avaient bien évidemment partagé le contenu sans le lire).
Comme le résume dans une interview pour France Culture la critique d’art Annie Le Brun,
« Si quelqu'un passait 80 années de sa vie sans dormir à visionner Instagram uniquement, il ne pourrait voir que l'équivalent de ce qui est diffusé sur la plateforme en 7 minutes. »
Je ne sais pas vous, mais je trouve ce constat effroyable 😱
Et dans cette jungle où l’on produit du contenu qui ne sera jamais consommé, où l’on partage et promeut des informations que l’on a même pas pris le temps de consulter, et où la forme prime sur le fond, difficile de faire le tri et de savoir à quelle(s) source(s) se fier.
La nécessité d’une diète informationnelle 🥗
Comme l’explique Benoit Raphael, ancien journaliste et expert du sujet, dans le dernier épisode de The Storyline,
Aujourd’hui, 15% de la population est obèse, ce qui est du à un emballement de l’industrie agroalimentaire, propulsé par le marketing, mais aussi du fait d’un autre ennemi : notre cerveau, qui pour recevoir sa dose de dopamine, va vouloir s’alimenter en permanence. De la même manière avec l’information, il veut s’informer en permanence aussi, quelle que soit la qualité de l’information.
Et globalement, quand on fonctionne dans un écosystème qui est devenu un peu “fou”, il se passe ce qui s’est passé il y a 20 ans avec l’industrie agroalimentaire. On s’est retrouvés avec énormément de nourriture industrielle et malsaine, et on a eu l’épisode de la vache folle.
C’est à ce moment-là qu’on a commencé à se demander ce qu’on avait dans notre assiette, on s’est rendus compte que le système était devenu fou et que l’on manquait à la fois de transparence et de traçabilité.
Ce n’est pas l’industrie agroalimentaire qui a permis de changer tout ça, elle en était incapable parce qu’elle était elle-même victime de son propre système. Ce sont les consommateurs et les producteurs indépendants qui petit à petit se sont éduqués, les gouvernements ont établi des règles et progressivement les gens ont commencé à faire attention à leur alimentation.
Selon lui, nous arrivons à un moment charnière similaire en ce qui concerne l’information.
Et à l’image de notre alimentation, notre consommation d’information doit être repensée pour être plus équilibrée et “saine”.
Mais plus facile à dire qu’à faire ! Alors, lorsque l’on a envie de se lancer dans un nouveau régime informationnel, par où commencer ? Je vois plusieurs pistes que je voulais partager avec vous, et que j’essaie d’explorer depuis des mois :
💎 Limiter les sources et les formats, tout en maintenant la diversité des points de vue.
Pour ma part, je suis très friande du format newsletter, et je suis fidèlement plusieurs médias indépendants et quelques créateurs. Mon régime informationnel est le suivant :
Quartz (pour une couverture quotidienne des infos internationales)
The New Yorker (pour la plume des journalistes et les sujets de société)
Femstreet (pour les contenus communautaires et tech de qualité)
ProPublica (pour des pièces de journalisme d’investigation)
Every’s Sunday Digest (pour les updates de l’économie des créateurs et des contenus business)
Tech Trash (pour prendre un peu de recul sur la startup nation et l’hégémonie de la tech)
Azeem Azhar (Exponential View)
Samuel Durand (Le Billet du Futur)
Noémie Aubron (La Mutante)
Laetitia Vitaud (Laetitia@Work)
Haley Nahman (Maybe Baby)
Sari Azout (Feel your Pulse)
Benjamin Issenmann (Supercreative)
Benjamin Perrin (Plumes With Attitude)
Et bien sûr, last but not least, j’utilise Flint (je vous en parle plus bas) pour une veille hebdomadaire et pour diversifier mes sources d’information 💖
Parce que le danger lorsque l’on suit certains médias et individus spécifiques, c’est que l’on peut finir par s’enfermer dans une caisse de résonance d’idées (les fameuses echo chambers). D’où l’importance du second point du régime informationnel 2.0 : préserver la diversité des perspectives et des points de vue dans les contenus que l’on consomme.
Alors là, encore une fois, sur le papier c’est bien, mais concrètement, c’est compliqué ! Heureusement, le brillant magazine Usbek & Rica a listé 22 ressources pour un numérique inclusif et solidaire.
🍽️ Fixer des créneaux horaires de “digestion” de l’information
Outre faire attention à ce avec quoi on nourrit son cerveau, faire attention à ne pas le maintenir en éveil en permanence est important. Tout comme pour l'alimentation, il est préférable de dédier des créneaux à sa consommation de contenus.
À vous de définir à quel.s moment.s de la journée vous êtes le.la plus réceptif.ve et en capacité de traiter l’information. Pour ma part, je me bloque en général des créneaux d’une demi heure ou d’une heure chaque matin pour lire tranquillement (et archiver les contenus intéressants dans mon outil de knowledge management, Roam Research). Une bonne manière de commencer la journée avant d’être happée par le flux des emails, des notifications et des sollicitations des clients / partenaires / …
🙅 Essayer de se distancier des réseaux sociaux
Il est 23h45, vous êtes confortablement installé.e dans votre lit avec un bouquin, prêt.e à lire quelques pages avant de sombrer dans un sommeil réparateur. Vous ouvrez la première page, lisez à peine quelques lignes, et votre portable s’allume à quelques centimètres de vous.
Vous vous en emparez, c’est un pote qui vous envoie une vidéo d’un chat effrayé par un concombre. Vous lui répondez et vous en profitez pour jeter un tout petit coup d’oeil sur vos notifications. Votre collègue agaçante a posté une photo de vacances magnifique avec son groupe d’amis au bord d’un lac. Vous finissez par passer toutes ses photos au peigne fin et à aller stalker ses amis, que vous ne connaissez bien évidemment pas, mais dont la vie vous semble tout d’un coup fascinante. Et puis vous vous souvenez de votre livre. Vous reposez votre téléphone. Il est 1h32 et vous allez passer une salle journée demain.
Sounds familiar ? Les réseaux ont le mérite de faciliter le lien avec nos amis et nos proches, mais ils sont aussi une véritable plaie, source d’addiction pour les moins bien lotis d’entre nous.
Alors comme pour toute addiction : il faut essayer de revenir à une consommation raisonnable et apprendre à dire non. Certains ont carrément choisi de se couper des réseaux et de les désinstaller - pour ma part, je suis beaucoup trop FOMO pour faire ce choix radical.
Quoi qu’il en soit, la reprise de contrôle sur l’information qui nous entoure et nous nourrit passe par une prise de conscience de la situation, et d’une consommation plus éclairée du contenu au quotidien.
Cet article vous a laissé.e sur votre faim ? Ça tombe bien, on a discuté du sujet en long, en large et en travers avec Benoit Raphael
La semaine dernière, dans le podcast, j’ai eu le plaisir d’échanger avec Benoit Raphael, le créateur de la startup Flint (un petit robot curateur de contenu qui repose sur l’Intelligence Artificielle). En fonction de leurs comportements, l’outil adapte ses suggestions, pour conseiller à ses utilisateurs des contenus sur mesure, adaptés leurs intérêts.
Conscient de la fatigue et la frustration qui peuvent émerger de la surexposition à l’information, Benoit crée Flint en 2017 après une belle carrière de journaliste. Personnellement, j’utilise Flint depuis maintenant plus d’un an et j’en suis absolument fan. Autant vous dire que j’étais hyper heureuse de pouvoir en parler plus en détail avec son créateur !
Avec Benoit, nous avons discuté dans l’épisode de fatigue informationnelle et de polarisation des opinions. Mais aussi, de l’intérêt d’utiliser l’IA et le machine learning pour combattre ce mal du siècle. On en profite également pour creuser le sujet de la place grandissante des robots dans la création de contenu. Et comment s’interroge ensemble sur comment se réapproprier notre rapport à l’information. Bref, un sacré programme pour cet épisode !
Alors, ça vous a plu ?
🌟 Génial • 👍 Bien • 😕 Bof • 🙈 Nuuuul
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D’ici-là, je vous donne rdv dans deux semaines pour la prochaine édition !
Ravie d'être conseillée dans la diététique informationnelle :)